Royaume-Uni : la Banque d’Angleterre sur le fil du rasoir

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

La publication de la première estimation du PIB du premier trimestre 2012 a confirmé que le Royaume-Uni est en récession technique depuis la fin de l’année dernière. En effet, le PIB s’est contracté de 0,3% t/t au T4 2011, puis de 0,2% t/t au T1 2012.

Au premier trimestre 2012, l’essoufflement de l’activité dans l’industrie, -0,4% t/t, est le principal facteur à l’origine de la contraction du PIB. La production dans le secteur minier a plongé de 3,6% t/t, tandis que dans le secteur manufacturier le repli se limitait à 0,1% sur la période, après -0,8% au T4 2011.

Toutefois, l’enquête PMI pour avril ne laisse pas présager de redressement sensible de l’activité manufacturière au deuxième trimestre. L’indice global a reculé par rapport à mars, pour s’inscrire à 50,5, son niveau le plus faible depuis décembre dernier, et la composante de production a baissé, retrouvant ainsi son niveau le plus bas depuis décembre dernier, tout en restant en zone d’expansion. En outre, l’évolution des composantes les plus avancées de l’enquête n’est pas encourageante. L’indice sur les nouvelles commandes à l’exportation a plongé de plus de cinq points. Il enregistre ainsi sa plus forte baisse depuis août 2006 et se retrouve à son niveau le plus bas depuis mai 2009. Rappelons à cet égard, que la zone euro est la première destination des produits britanniques et que les ventes de biens manufacturés représentent près de la moitié des exportations totales du pays.

Enfin, l’évolution de la composante relative aux commandes en retard ne permet pas non plus d’être optimiste à court terme. Cette dernière est restée en zone de contraction pour le quinzième mois consécutif, se repliant davantage par rapport au mois précédent. Dans les services, l’activité a progressé faiblement au premier trimestre (+0,1% t/t, après -0,1% t/t au T4 2011), décevant les attentes. A court terme, les indicateurs les plus avancés signalent qu’elle devrait continuer à croître modestement. Selon l’enquête PMI d’avril, l’indice d’activité s’est replié sur ses niveaux de novembre dernier, reculant de plus de deux points par rapport à mars. Il demeure toutefois en zone d’expansion depuis janvier 2011, supérieur de plus de trois points à la barre des cinquante. Enfin, l’activité dans le secteur de la construction a chuté de 3% t/t au premier trimestre, après une diminution limitée à 0,2% t/t le trimestre précédent. Les températures en dessous de la normale saisonnière cet hiver peuvent en partie expliquer cette baisse au T1 2012.

Dans ces conditions, alors même que la poursuite des efforts d’assainissement des finances publiques pèse tout à la fois sur la consommation du secteur public et encourage les ménages à constituer une épargne de précaution, la Banque d’Angleterre se doit de maintenir un délicat équilibre entre le soutien apporté à la croissance et la maîtrise des tensions inflationnistes.

D’une part, certains indicateurs suggèrent que les conditions monétaires se sont durcies depuis février, date du dernier relèvement du plafond d’achats de titres à GBP325mds et de la publication du Rapport sur l’Inflation. En effet, le scénario central des autorités monétaires excluait alors l’éventualité d’une récession technique. En outre, le taux de change effectif du GBP s’est apprécié de près de 2% depuis février. Enfin, la crise économique et financière que traverse la zone euro, principal partenaire économique du Royaume-Uni, n’est pas encore terminée.

D’autre part, l’inflation s’est redressée de 3,4% en février à 3,5% en mars, interrompant cinq mois consécutifs de baisse. Sa moyenne, à 3,5% pour le T1 2012, a donc légèrement dépassé l’objectif de 3,35% que s’était fixé la Banque d’Angleterre. L’inflation pourrait ainsi ne pas reculer aussi vite ni aussi bas qu’anticipé par les autorités monétaires en février, compte tenu de la hausse récente du prix des denrées alimentaires et du cours du pétrole, laquelle pourrait s’intensifier sous l’effet de la reprise mondiale. En outre, et plus inquiétant, l’inflation sous- jacente qui exclut l’énergie et l’alimentation, a elle aussi augmenté de 2,3% en février à 2,4% en mars. Récemment, plusieurs membres du Comité de Politique monétaire, dont Mervyn King, se sont montrés ouvertement inquiets de l’évolution des prix à la consommation. En avril, seul David Miles s’était prononcé en faveur d’un relèvement de GBP25mds du plafond d’achats de titres, Adam Posen, constant défenseur d’un assouplissement monétaire supplémentaire depuis janvier 2011, ayant rejoint le camp du statu quo monétaire, le mois dernier.

Somme toute, la Banque d’Angleterre devrait réviser à la baisse ses prévisions de croissance, dans son Rapport sur l’Inflation d’avril, qui sera publié le 16 mai. A cet égard, Mervyn King, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, a déjà signalé que la reprise économique pourrait être plus lente qu’anticipé, invoquant, entre autres, le Jubilé de diamant de la Reine qui amputerait la valeur ajoutée de deux jours en juin (jours fériés les 4 et 5 juin). Mais, il y a aussi fort à parier que la BoE relève aussi légèrement ses hypothèses d’inflation. Dans ces conditions, et sans exclure totalement la possibilité d’un nouvel assouplissement avant la fin de l’année, le Comité de Politique monétaire qui se réunira les 9 et 10 mai devrait voter en faveur du statu quo.

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