To hike or not to hike, là est la question

par Caroline Newhouse-Cohen, économiste chez BNP Paribas

La fin d’année s’est achevée au Royaume-Uni sur une fausse note. En effet, l’activité s’est contractée de 0,5% d’un trimestre sur l’autre au T4 2010. Les mauvaises conditions climatiques qui ont prévalu en décembre expliquent en partie cette contraction. Il n’en demeure pas moins que l’embellie du printemps 2010 (1,1% t/t au T2 et 0,7% t/t au T3) n’aura été que de courte durée. Le cycle de restockage est probablement proche de son terme, tandis que la demande de produits britanniques en provenance des principaux partenaires commerciaux du pays commence à ralentir.

Par ailleurs, le plan de consolidation des finances publiques va écorner le revenu disponible des ménages dès cette année, tout comme l’inflation. En effet, cette dernière a bondi en janvier, s’établissant à 4% après 3,7% en décembre. Elle a été égale ou supérieure à la limite haute de l’objectif de la Banque d’Angleterre tout au long de 2010.

Il est vrai que cette accélération récente était attendue, avec le relèvement du taux de TVA en janvier, qui s’est principalement traduit dans la hausse des prix de l’essence, des boissons alcoolisées, des restaurants et des cafés ainsi que des nouvelles voitures. Selon le rapport des agents régionaux de la Banque d’Angleterre pour janvier, 84% des détaillants interrogés au cours du mois de décembre avaient l’intention de passer la totalité de la hausse de la TVA dans leurs prix, alors que 11% d’entre eux n’allaient le faire que pour moitié. Au total, cette enquête suggérait que 90% du relèvement allait être visible dans les prix de vente. La plupart des détaillants avaient l’intention de répercuter l’augmentation au cours des premières semaines de janvier, certains commerces l’ayant fait dès 2010.

 D’autres, enfin, prendraient plus de temps, soit pour observer leurs concurrents, soit pour profiter des périodes habituelles de relèvement des prix (comme Pâques). Il n’en demeure pas moins que cette envolée même temporaire des prix est un véritable casse-tête pour les autorités monétaires. En février, le gouverneur de la Banque d’Angleterre a adressé son premier courrier de l’année au Chancelier de l’Echiquier.

Comme prévu par les statuts de la Banque centrale, il y justifiait le dépassement de l’objectif d’inflation. Mervyn King y rappelait que trois facteurs expliquent le niveau actuellement élevé de l’inflation: le relèvement de la TVA en janvier 2010, les conséquences encore perceptibles de la dépréciation du sterling intervenue en 2007 et 2008 ainsi que la hausse récente des cours des matières premières, en particulier des prix de l’essence.

Par ailleurs, il reconnaissait que le Comité de Politique Monétaire n’était pas unanime quant aux perspectives d’évolution à moyen terme de l’inflation1. Selon lui, celle-ci resterait supérieure à 2% en 2011 et atteindrait un pic entre 4% et 5% au cours des prochains mois, avant de rebaisser en 2012. Par ailleurs, il rappelait que chercher à faire reculer l’inflation rapidement vers son objectif risquait de provoquer une volatilité indésirable de l’activité et d’accroître les chances de passer à moyen terme sous 2%. Il n’en demeure pas moins que la persistance d’un niveau d’inflation élevé peut provoquer une hausse des anticipations et se répercuter sur les salaires et le mécanisme de fixation des prix. A cet égard, l’évolution actuelle des salaires, bonus compris, ne paraît pas préoccupante. En 2010, ceux-ci ont progressé de 1,7% dans le secteur privé et 2,4% dans la fonction publique.

La prudence reste donc de mise, d’autant que la croissance du PIB devrait être inférieure à 1,5% en 2011, en dépit du rebond technique attendu au premier trimestre 2011. Le Rapport sur l’Inflation pour février en est la juste illustration. La croissance pour 2011 a été revue à la baisse par rapport à l’édition de novembre (2,1% contre 2,6% précédemment), tandis que l’inflation l’a été à la hausse (pic à 4,4%, contre 3,55% précédemment). A politique monétaire inchangée, cette dernière retournerait vers 2% d’ici deux ou trois ans2. Dans ces conditions, les anticipations d’inflation, assujetties à l’évolution actuelle des prix, sont un facteur clé de la politique monétaire.

Pour l’heure, la Banque d’Angleterre juge que les risques à moyen terme sont encore équilibrés. Toute décision dépendra par conséquent des données de prix et d’activité publiées dans les prochains mois. S’ils venaient à montrer un renforcement de l’activité, entraînant une résorption rapide des capacités excédentaires dans l’économie et sur le marché du travail, conjugué à un emballement des anticipations d’inflation, nul doute que la Banque centrale n’hésiterait pas à remonter le Bank rate d’ici l’été. A contrario, elle surseoirait à sa décision, en dépit de l’envolée temporaire des prix, si l’économie venait à s’essouffler. 

NOTES

  1. En janvier déjà, deux de ses neuf membres, Andrew Sentance et Martin Weale, s’étaient opposés au statu quo monétaire, préférant un relèvement immédiat du Bank rate de 25 points de base.
  2. Et sous 2%, si le Bank rate était relevé conformément aux anticipations de marchés, soit de 75 points de base d’ici à la fin de l’année.

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