Trop de doutes sur l’euro pour ne pas rester prudents

par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Adjoint en charge des gestions d’OFI AM

La « Crise » de la dette souveraine européenne a pris de l’ampleur au printemps 2010. Il a fallu près d’un an et demi pour que l’Europe accouche d’un plan crédible et assez concret. Trop long !

Le pessimisme (trop) consensuel des investisseurs, que nous avions souligné dans ces colonnes le mois dernier, a été pris à contre-pied à la faveur d’une confiance retrouvée dans les autorités monétaires et politiques : le plan européen ficelé dans la douleur a globalement convaincu. il est assez précis en chiffres (montant du FESF, pertes sur la décote des titres grecs) et, surtout, il évite un défaut sur une dette souveraine de la zone euro et il démontre une volonté politique de sauvegarder le « système » de l’euro. La crise « systémique » étant évitée, les marchés boursiers se sont rapidement et logiquement redressés vu les valorisations très basses atteintes par les actions : les principaux indices actions internationaux ont ainsi regagné près de 20 % en extrême…

Ce répit a été de courte durée : tout est une nouvelle fois remis en question avec les derniers développements en Grèce. Ce pays a appliqué les mesures d’austérité les plus dures, provoquant une chute cumulée du PIB de près de 15 % depuis 2 ans, une baisse des salaires de la fonction publique et une envolée du chômage. Le problème, c’est que la Grèce est en quelque sorte une « avant-garde » de la problématique européenne. D’ailleurs, un peu partout, on note des troubles et des doutes importants (mouvements des indignés, l’été chaud à Londres, des sondages en Allemagne qui montrent que 30 % de la population souhaite le retour du mark…). Bref, le processus de construction européenne, trop technique et qui n’a pas tenu les promesses initiales de prospérité, est clairement remis en cause.

Nous assistons donc à une « dé-convergence » obligataire, qui peut sembler logique vu que les critères prévus dans le pacte de stabilité n’ont pas été respectés. Pourtant, les investisseurs y ont cru et ont été patients : entre 1999 (naissance de l’euro) et 2009, soit 10 ans, les spreads inter-pays de la zone étaient très stables et très faibles : par exemple, en 2005, l’écart de taux à 10 ans entre une obligation grecque et allemande était inférieur à 50 pb, contre plus de 2200 pb aujourd’hui ! (il était de l’ordre de 400 pb en 1995). Bref, les marchés y ont cru pendant assez longtemps, les peuples ont suivi sans tout comprendre… jusqu’à aujourd’hui.

L’avantage de la crise actuelle est qu’elle devrait accélérer le processus de décision. Il y a deux chemins possibles. Soit l’Europe sort une nouvelle fois par le haut et le processus de convergence va, cette fois-ci, jusqu’au bout de sa logique d’intégration monétaire : harmonisation de la fiscalité, des politiques budgétaires, consolidation de la dette… Bref, les Etats-Unis d’Europe.

Comme ce chemin risque d’être long, il faudrait qu’entre temps la BCE soutienne cette construction par un changement de politique avec la mise en place d’une politique non conventionnelle telle que la pratique la Réserve fédérale américaine, un QE européen qui lui permet de racheter les montants de dettes souveraines nécessaires. Sinon, l’autre scénario, est la fin de l’euro actuel, avec des conséquences impossibles à chiffrer à ce stade.

En attendant, tout cela ne milite pas pour des stratégies d’investissement très agressives. La situation économique n’est également pas très florissante dans le reste du monde. Les derniers indicateurs économiques américains sont un peu meilleurs qu’attendu, mais le panorama reste morose avec une politique budgétaire qui devra être plus rigoureuse. Les pays émergents ralentissent dans la foulée du monde occidental, mais cela aura au moins le mérite d’atténuer les pressions inflationnistes et aux Banques centrales de freiner leurs politiques de relèvement des taux d’intérêt.

En termes de valorisations, les actions retrouvent des niveaux « théoriquement » attrayants, en absolu et par rapport aux taux d’intérêt, particulièrement pour les grandes valeurs occidentales ayant une activité internationale (hors financières). Mais il n’y a pas véritablement de flux acheteurs actuellement, ce qui est dommage car les cours actuels sont certainement intéressants dans une optique de long terme. Les marchés resteront donc probablement encore très volatils dans les prochaines semaines, au gré des décisions politiques.