Zone Euro : sortie de récession au T3

par Jean-Christophe Caffet et Cédric Thellier, économistes chez Natixis

La zone euro est sortie de récession cet été. Après cinq trimestres consécutifs de contraction, le PIB de l’Union a en effet progressé de 0,4% T/T au T3. Les performances relatives des Etats membres restent toutefois marquées par une très forte hétérogénéité, entre une Allemagne où la croissance fut supérieure à son potentiel (+0,7% T/T) et une Espagne toujours engluée dans la récession (-0,3% T/T).

En France, seul pays publiant le détail de ses comptes nationaux en première estimation, le chiffre positif enregistré au T3 (+0,3% T/T) s’explique une nouvelle fois par son traditionnel point faible : le commerce extérieur.

Retour à la croissance…

Les chiffres de croissance publiés ce matin ont officialisé la sortie de récession de l’économie de la zone euro entre juillet et septembre, après cinq trimestres consécutifs de recul. Le PIB a en effet augmenté de 0,4% T/T, légèrement en deçà des attentes (+0,5%). La croissance s’affiche désormais à -4,1% en glissement annuel. Ce rebond de l’activité à l’échelle de la zone masque toutefois une très forte hétérogénéité au sein de l’Union :

  • la croissance outre-Rhin, déjà positive au T2 (légèrement révisée à +0,4% T/T) s’est encore accélérée au T3, ressortant à +0,7% ; 
  • l’économie française a confirmé sa sortie de récession en maintenant un rythme de progression de +0,3% T/T (voir plus loin) ;
  • l’Italie renoue à son tour avec une croissance positive (+0,6% T/T) ;
  • seule l’Espagne, parmi les 4 grands pays de la zone, demeure en récession, avec un cinquième trimestre consécutif de recul de l’activité, dans une moindre mesure toutefois (-0,3% T/T).

Le détail des comptes de l’Union sera publié le 3 décembre. Au regard des données dures disponibles dans l’ensemble des pays au T3, il apparaît néanmoins :

  •  un affaiblissement de la consommation privée, lié d’une part au moindre soutien des dispositifs de « prime à la casse » dans le secteur automobile (en particulier en Allemagne), et d’autre part à la dégradation continue du marché du travail européen, plus forte qu’il n’y parait étant donné le recours aux mesures de chômage partiel. Au total, la consommation des ménages devrait contribuer négativement à la croissance, à hauteur de 0,1 point T/T ;
  • un recul moins prononcé de l’investissement total, avec une contribution de l’ordre de -0,2 pt de PIB au T3 contre -0,7 pt en moyenne lors des trois trimestres précédents ;
  • un retournement dans le cycle des stocks, avec une contribution positive attendue proche de 0,3 point, contre respectivement -0,7 pt et -0,6 pt aux T1 et T2 ;
  • enfin, la contribution du commerce extérieur devrait également être positive, de l’ordre de 0,2 pt, à la faveur d’un rebond des exportations plus prononcé que celui des importations.

…temporaire ?

L’effet du soutien budgétaire sur le PIB européen est manifeste et constitue évidemment une bonne nouvelle. Néanmoins, la reprise demeure fragile et le risque que nous signalons depuis quelque temps concernant le contrecoup des plans de relance reste entier.

En effet, compte tenu de la dégradation des finances publiques européennes déjà engagée (déficit public agrégé au-delà de 7% du PIB en 2010 et dette publique à 85%) et afin de limiter les menaces sur leur soutenabilité, l’adoption de nouveaux plans de relance nous semble peu probable.

Or, une fois épuisés les stimuli budgétaires à horizon mi-2010, aucun soutien durable de croissance ne prendra le relais : la consommation des ménages devrait durablement pâtir de la montée du chômage (plus d’un point d’ici fin 2010), de la pression à la baisse sur les revenus à la fois en termes nominaux et réels, de la remontée du taux d’épargne pour motif de précaution voire de comportements ricardiens, ceci dans un contexte de désendettement. Du côté des entreprises, les faibles perspectives de débouchés ainsi que le niveau historiquement bas du taux d’utilisation des capacités de production plaident pour un investissement productif durablement atone.

En outre, le redémarrage du commerce mondial pourrait être moins vigoureux que prévu dans la mesure où la demande intérieure des émergents, en particulier en Chine, semble davantage satisfaite par la production domestique et moins par les importations que durant le cycle précédent.

A moyen terme donc, un nouvel affaiblissement de la conjoncture européenne semble donc probable en 2010. Nous tablons sur une croissance annuelle de l’ordre de 0,5%. Une reprise durable de la croissance en zone euro ne se fera pas avant 2011, au mieux.

 France : sortie de récession confirmée

La France est le seul Etat-membre de l’Union publiant le détail de ses comptes nationaux en première estimation. Comme au printemps, les chiffres de l’Insee montrent que le chiffre positif enregistré pendant l’été (+0,3% T/T ; -2,4% en GA) est très étroitement lié au traditionnel point faible de l’économie française : le commerce extérieur. Dans le détail : 

  •  conformément à nos prévisions, la consommation des ménages est restée stable sur le trimestre (+0,0% T/T, +0.6% en GA). La désinflation et les dispositifs de soutien des dépenses adoptés fin 2008 / début 2009 expliquent toujours la (toute relative) robustesse de la consommation privée française. Ce moteur est toutefois appelé à s’essouffler (désinflation énergétique parvenue à son terme, contraction du revenu disponible, désendettement…) ;
  • la formation brute de capital fixe continue de se contracter (-1,4% T/T, -7,5% en GA), notamment l’investissement logement qui recule de 2,9% sur le trimestre (-9,7% en GA). En ligne avec nos prévisions, la baisse de l’investissement productif ralentit sensiblement (-0,7% T/T, -7,8% en GA) tandis que l’investissement des administrations publiques s’affiche, de manière relativement surprenante, en net recul au T3 (-0,9% T/T, -3,2% en GA) ;
  • les exportations augmentent de 2,3% T/T (-10,5% en GA) tandis que les importations restent relativement stables sur le trimestre (+0,4% T/T, -11,2% en GA), si bien que le commerce extérieur contribue pour 0,4 point de PIB à la croissance au T3
  •  dans un contexte de vive reprise de la production (+2,3% T/T dans le secteur manufacturier) mais également des exportations (cf. supra), les variations de stocks restent globalement neutres sur l’activité (-0,1 pt de PIB).

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