par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
Un accord est intervenu sur la question grecque dans la nuit du 20 février 2012. Que retenir de celui-ci et quelles perspectives à venir ?
Que retenir de cet accord ?
2 points et 1 objectif sont à retenir :
● L'accord d'un montant de 130 milliards d'euros à l'horizon 2014 permet d'éviter un défaut de la Grèce. Il y avait urgence. En effet, la Grèce doit honorer le 20 mars prochain une échéance de 14,5 milliards d'euros. Sans accord, le risque de défaut devenait plus marqué.
● Le secteur privé a fait un effort supplémentaire dans le cadre de la restructuration de la dette grecque. La décote sur les titres détenus par le secteur privé sera finalement de 53,5 % au lieu des 50 % définis lors de l’accord d’octobre dernier. Le montant de la réduction de la dette détenue par le secteur privé sera de l'ordre de 100 milliards d’euros.
● L'objectif du plan d'aide et de l'effort supplémentaire demandé au secteur privé est de permettre de stabiliser le ratio dette publique sur PIB à 120,5 % à l'horizon 2020.
Selon une note confidentielle du FMI cité par le Wall Street Journal, sans la restructuration de la dette, le ratio (actuellement légèrement supérieur à 160 % du PIB) aurait bondi à 178 % en 2015 avant de revenir à un niveau de 160 % en 2020.
Quelles sont les contreparties demandées à la Grèce ?
Le parlement grec a adopté un nouveau plan d'austérité au cours des 10 derniers jours. Ce plan met l'accent sur la nécessité pour la Grèce de retrouver une compétitivité plus forte. Cela passe notamment par une baisse du salaire minimum (- 22 %), une baisse des retraites et un repli de l'emploi public.
Deux remarques :
● L'économie grecque est en récession forte. En 2011 son niveau d'activité a chuté de – 6,8 % en moyenne par rapport à 2010. Le niveau du PIB est revenu, fin 2011, au niveau qui était constaté début 2004.
Le plan d'austérité, en pesant sur la demande interne, va prolonger le repli constaté depuis 2009.
Cela a une conséquence immédiate. Avec le fort repli de l'activité, le PIB en valeur chute aussi. En 2011, son repli a été en moyenne de – 5,3 %. Dès lors, le ratio dette publique sur PIB augmente avec le taux d'intérêt positif sur la dette et également en raison de la contraction du PIB. Cela rend la stabilisation du ratio dette publique sur PIB complexe, hasardeux et finalement impossible.
● Dans le nouveau plan adopté, l'objectif semble avoir évolué pour se concentrer sur la compétitivité, relativisant les objectifs immédiats sur les finances publiques. En effet, la mise en place des 5 plans d'austérité précédents n'ont permis ni de les stabiliser, ni de retrouver une allure plus positive sur l'activité. En effet, une mesure restrictive sur les finances publiques pesait sur l'activité qui en retour réduisait les recettes, ne permettant pas un rééquilibrage des comptes publics. Il y a néanmoins un objectif de surplus primaire en 2013 (solde budgétaire hors paiement des intérêts sur la dette) via notamment la poursuite du programme de privatisation.
L'accent mis sur la compétitivité repose sur l'idée suivante: L'économie grecque connaît un déficit de compte courant important.
Une hausse de la compétitivité permettra sûrement d'exporter un peu plus mais cela ne sera pas suffisant pour éliminer le déficit courant. Il faudra peser sur les importations. Le meilleur moyen d'y parvenir est d'infléchir durablement la demande interne.
L'objectif du rééquilibrage du compte courant est de modifier l'équilibre de l'ensemble de l'économie grecque. Un déficit traduit un manque d'épargne et la nécessité de trouver un financement à l'extérieur. C'est le cas pour la Grèce aujourd'hui.
Si ce solde du compte courant devenait excédentaire, la Grèce disposerait d'une épargne, globalement, et de ce fait sa dépendance aux financements extérieurs serait réduite.
C'est clairement l'objectif des plans mis en œuvre aujourd'hui sur l'économie grecque. Un coussin d'épargne permettrait alors d'isoler la Grèce des autres pays européens et amortirait les éventuels chocs au sein de l'économie grecque, limitant ainsi les risques pour l'ensemble de la zone euro.
• Quelles sont les chances de réussite de ce plan ?
Les efforts demandés aux citoyens grecs sont très importants. Jusqu'au début des années 2000, le PIB par tête en Grèce représentait 75 % du PIB par tête de la zone euro. Ce chiffre est monté à 93 % en 2009 avant de retomber lourdement.
Ce repli va se poursuivre et c'est là le point de fragilité. Jusqu'à présent, les citoyens grecs souhaitaient rester dans la zone euro, mais la cure d'austérité supplémentaire les fera-t-elle rester sur cette idée ou est-il envisageable qu'ils changent d'avis ?
● Il faudra donc observer avec attention la mise en place du plan d'austérité ainsi que la campagne électorale qui va démarrer dans le cadre des élections du mois d'avril. Les prochaines semaines seront en effet cruciales.
● L'autre aspect sera la façon dont les européens vont appréhender et gérer cette situation grecque. Des observateurs seront présents pour vérifier que les mesures prises seront correctement implémentées.
Un compte sous séquestre sera de plus mis en place pour s'assurer du bon déroulement des opérations dans le service de la dette.
Mais d'une manière générale, cela pose une question plus large de la gestion de l'Europe lorsqu'un pays est en récession longue.
Conclusion
L'accord pour permettre un financement de l'économie grecque a été validé. L'étape à suivre est celle de la mise en œuvre des mesures associées. Cela se fera probablement avec de la volatilité et une interaction probablement plus forte avec la société grecque, en raison des élections toutes proches.