Etats-Unis : tout n’est pas noir

par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas

  Les créations d’emplois ont fortement ralenti à la fin de l’été. Alors que le secteur public, notamment les Etats et collectivités locales, embauche de nouveau, le secteur privé lève le pied.

  La croissance marque le pas, entraînant logiquement à sa suite une moindre progression des effectifs. Mais les enquêtes, notamment dans le secteur non manufacturier, demeurent encourageantes, et un rebond pourrait intervenir en fin d’année.

  Le sous-emploi demeure élevé et continue de peser sur la formation des salaires. Mais malgré le ralentissement des créations de poste, son rythme de résorption se maintient, notamment grâce au recul du chômage de long terme et du temps partiel involontaire.

L’emploi donnerait-il des signes d’essoufflement? C’est ce qui transparaît des données pour les mois d’août et septembre. Les créations de postes ont été limitées à, successivement, 136 000 et 142 000, contre une moyenne mensuelle de 214 000 au cours des sept premiers mois de l’année 2015. En glissement annuel, la dynamique semble faiblir depuis le premier trimestre, lorsque les effectifs du secteur non agricole progressaient de plus de 3,150 millions. En comparaison, entre les mois de septembre 2014 et 2015, « seulement » 2,752 millions d’emplois ont été créés. Le ralentissement est le fait du secteur privé. Après des réductions drastiques des effectifs publics (1,185 millions de postes entre mai 2010 et janvier 2014), les embauches ont repris. Sans grand dynamisme initialement (103 000 en seize mois), la progression mensuelle a accéléré ces quatre derniers mois, avec un total de 115 000 postes créés, un mouvement qui doit avant tout aux Etats et collectivités locales, et majoritairement au secteur de l’éducation.

Les effectifs du secteur privé non agricol, n’ont progressé que de 100 000 postes en août et 118 000 en septembre. Lissée sur trois mois, cette performance est la plus faible depuis l’été 2012. L’emploi dans le secteur de la construction marque le pas (6 000 postes créés en moyenne entre juillet et septembre, contre 39000 entre décembre et février), et recule dans le secteur manufacturier (-5 000 en moyenne sur les trois derniers mois, contre une progression de 29 000 en moyenne au dernier trimestre 2014). Mais c’est le secteur des services qui explique l’essentiel du ralentissement des créations de postes. En moyenne sur trois mois, 259 000 emplois étaient créés à la fin 2014, contre seulement 147 000 en septembre dernier. Le ralentissement, par différentes branches, est quasi généralisé, tout en touchant plus durement les services aux entreprises.

Pour une part, des créations d’emplois moins dynamiques n’ont rien de particulièrement surprenant : la croissance ralentit. Si les comptes nationaux ne font pas apparaître clairement ce ralentissement, c’est le cas des données d’enquêtes. Celles menées par l’ISM auprès des directeurs d’achats, illustrent une détérioration de l’activité généralisée. C’est surtout le secteur manufacturier qui est touché (indice ISM en recul de 3,3 points en trois mois et 7,7 pts en un an, à 50,2 en septembre), mais le secteur non manufacturier l’est aussi : l’indice ISM a perdu 3,4 points depuis le mois de juillet. Le secteur non manufacturier continue pourtant d’être dynamique. Certes en baisse, l’indice ISM demeure très élevé, à 56,9 en septembre, soit au-dessus de sa moyenne de 2014 ou des six premiers mois de 2015. De plus, sa composante emploi, est non seulement à un niveau extrêmement élevé de 58,3 en septembre, mais aussi, et contrairement aux autres sous-indices, en hausse sur le mois.

Ainsi, si les deux derniers rapports sur l’emploi ont été très décevants, il s’agit de les relativiser. Un rebond des créations de postes est assez probable sur les derniers mois de l’année au vu de l’indice emploi de l’ISM non manufacturier ou des demandes initiales d’indemnisation du chômage, actuellement au plus bas depuis le printemps 2000. Par ailleurs, le sous-emploi résiduel (c’est-à-dire celui qui n’est pas mesuré par les seules données du chômage, comme un taux d’activité anormalement faible pour les 25-54 ans, ou l’importance du temps partiel subi) recule. Ainsi, rapportés à la population active, les employés à temps partiel de façon involontaire sont passés sous la barre des 4% en septembre, et ce pour la première fois depuis l’été 2008. Le taux de chômage de longue durée, soit d’une durée de 27 semaines et plus, est au plus bas depuis l’automne 2008 (à 1,3% de la population active).

Au final, les données récentes n’illustrent pas, à notre sens, une détérioration des conditions prévalant sur le marché du travail. La déception qu’ont suscitée les deux derniers rapports emploi est en fait à la mesure de l’excès d’optimisme qui régnait jusqu’ici. Si durant près de deux ans les créations d’emplois ont été très dynamiques, le taux d’activité n’a pas rebondi (pour les 25-54 ans, il demeure au plus bas en plus de 30 ans) et la progression des salaires pas accéléré. Elle demeurait inférieure à 2% en septembre (g.a.) pour les personnels hors cadre affectés à la production.

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