par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des Gestions chez OFI AM
Les actions américaines ont perdu plus de 2 % vendredi, entraînant l’ensemble des marchés dans leur sillage. Cette baisse a été déclenchée par le rapport sur l’emploi qui montre une accélération des tensions sur le salaire horaire, indiquant potentiellement un retour de l’inflation, « enfin », serait-on tenté de dire ! C’était en effet le but recherché des Banques Centrales, et notamment de la Fed. Ceci change potentiellement les perspectives sur les taux d’intérêt. Pour l’instant, 3 ou 4 hausses de 25 pb sont attendues cette année, la première en mars.
Cette correction intervient toutefois après un début d’année particulièrement positif à la faveur de flux d’investissement records. L’indice S&P 500 a ainsi gagné 5,6 % en janvier après avoir été jusqu’à + 7,5 %. Il s’agit de la plus forte progression pour un mois de janvier depuis 1997, et du 15e mois consécutif de progression ! Les actions européennes ont également progressé de près de 4 % en janvier, et les marchés émergents de l’ordre de 7 à 10 %…
Cette bonne orientation se justifie aisément : les perspectives de croissance sont revues à la hausse et les indicateurs avancés économiques publiés depuis le début de l’année montrent que la dynamique est très bonne, un peu partout dans le monde. Ainsi, les estimations de croissance de bénéfices des entreprises sont révisées à la hausse. Par exemple, les attentes concernant le bénéfice par indice S&P 500 sont passées de 145 USD mi-décembre à 156 USD aujourd’hui, et 179 pour 2019. De ce fait, le PER 2018 des actions américaines est désormais de 17,7 et celui de 2019 de 16, ce qui reste plutôt dans ses normes historiques élevées, mais pas excessives. Ce début d’année confirme donc les vues positives que nous avions exprimées dans notre publication de décembre. Faut-il changer d’appréciation ?
Nous évoquions trois indicateurs de risque à surveiller, susceptibles de remettre en cause notre scénario central positif :
- Les taux d’intérêt. Il s’agit du paramètre fondamental. Le niveau des taux détermine naturellement le niveau de valorisation de tous les actifs. Et il est vrai que les taux remontent, et vite ! Nous avons ainsi gagné près de 50 pb sur les rendements obligataires américains et sur le Bund. Le rythme rapide inquiète les marchés et nous nous approchons de la zone technique et pivot très important de 3 % sur le T-notes US 10 ans. Un franchissement marqué de ce niveau serait en effet problématique et pourrait déclencher des ventes stop d’obligations. Ce n’est pas encore le cas.
- Le marché des devises et une éventuelle guerre des changes accentuée par un décrochage du RMB orchestré par la Banque de Chine. Pour l’instant, la monnaie chinoise reste stable. Dans ce domaine, c’est surtout l’Euro qui monte contre pratiquement toutes les devises, et notamment le dollar. La parité euro/dollar s’approche en effet de la zone très importante de 1,25. Un franchissement net à la hausse donnerait le signal d’une poursuite du mouvement et remettrait ainsi en cause le scénario économique européen.
- Un flash krach potentiel créé par des éléments purement financiers et auto réalisateurs. Effectivement, c’est possible. Le Vix, que nous suggérions de surveiller, est sorti d’une longue phase de stabilité à de très bas niveaux. Il est passé de 10 à 15 en quelques jours… De nombreux vendeurs de volatilité vont devoir se racheter et il peut y avoir des ordres « automatiques » déclenchés par ce phénomène.
En conclusion, les taux remontent pour de bonnes raisons croissance/ inflation/ normalisation progressive des politiques monétaires) mais les mouvements de marchés sont trop rapides et créent des perturbations. Une poursuite de l’agitation actuelle et de la correction sont possibles et peuvent être violentes (flash krach). En revanche, nous pensons que ces phases devraient être mises à profit pour investir. La zone de 3 % sur le T-Note devrait être difficile à franchir, de même que le niveau de 1,25 sur l’euro/dollar. Les conditions globales macro et micro-économiques restent positives.