2010 : une année de défis

Faire des prévisions est très difficile surtout quand elles concernent l’avenir, dit l’humoriste.

Faire des prévisions est très difficile surtout quand elles concernent l’avenir, dit l’humoriste. On ne va donc pas se risquer à indiquer ici que sera l’année 2010. Mais on peut d’ores et déjà assurer que ce sera une année de défis.

Plusieurs défis particulièrement ardus qui devront être négociés au mieux par les dirigeants politiques et économiques car les erreurs éventuelles risquent de provoquer une nouvelle crise économique, selon de nombreux économistes.

Le premier défi est la gestion de la sortie de crise

Face au pire choc économique depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les gouvernements et les banques centrales avaient décrété la mobilisation générale : afflux de liquidités pour permettre au système financier de continuer à fonctionner ; abaissement des taux d’intérêt ; plans de relance budgétaires se chiffrant en centaines de milliards d’euros.

Ces efforts ont permis d’éviter une réédition de la “Grande Dépression” des années 1930 puisque après une contraction attendue cette année (-2,5/-2,6% aux Etats-Unis, -4%/-4,3% dans la zone euro, -5,3/-6% au Japon, selon diverses estimations) l’économie devrait repartir l’année prochaine même si le taux de croissance devrait rester modeste (+2,5/2,7% pour les Etats-Unis, +1,2/1,3% pour la zone euro et +1,5% pour le Japon). Bien entendu, tout n’est pas réglé, loin de là : ainsi le chômage a fortement progressé pour dépasser la barre des 10% aux Etats-Unis par exemple et cette évolution risque de continuer dans les prochains mois.

Mais on peut considérer que le pire a été évité. Pour autant, la croissance qui revient est due pour la moment aux seules mesures de soutien. La question est de savoir si elle tiendra quand les banques centrales abandonneront leur politique accommodante faite de taux bas et de liquidités abondantes. En d’autres termes, l’économie peut-elle tenir si on lui retire ses béquilles ? Pour le moment, la réponse est plutôt non. Les banques centrales doivent donc gérer avec la plus grande prudence la sortie de crise. Pas question par exemple de remonter trop rapidement les taux. Mais il y a une telle montagne de liquidités dans le système financier que cela risque de provoquer une spirale inflationniste. Il faut donc tout faire pour que l’économie poursuive son redressement tout en évitant des dérapages potentiellement dangereux.

Le deuxième défi est la gestion des finances publiques

Les déficits budgétaires ont explosé depuis fin 2007 sous l’effet des plans de relance et de la chute des recettes fiscales. Ils représentent par exemple 10% du PIB aux Etats-Unis, 12,6% au Royaume-Uni et 8,2% en France. La dérive va continuer l’an prochain. La dette s’envole et dépasse les 80% du PIB dans les pays développés et pourrait atteindre 150% en 2011. Ces niveaux ne sont pas soutenables car ils obèrent la capacité d’investissement de ces pays. Le retour de la croissance ne sera pas suffisant. Il faut donc de toute urgence prendre des mesures visant à rétablir l’équilibre, comme l’a réclamé récemment la Commission européenne. Cela passe par la réduction des dépenses publiques quand c’est possible et, probablement, par des hausses d’impôt. Certains pays l’ont déjà fait (Royaume-Uni, Espagne). La France se refuse officiellement à augmenter les prélèvements obligatoires et le ministre du Budget, Eric Woerth, estime qu’une croissance comprise entre 2,5% et 3% par an doit permettre de ramener les déficits à 3% du PIB. La plupart des experts doutent que l’économie française puisse progresser à un tel rythme.

Le troisième défi est l’assainissement du système financier

Les banques sont jugées responsables de la crise qui a éclaté à l’automne 2007 et elles en ont été les premières victimes puisque les Etats ont dû venir à leur secours en apportant des aides de plusieurs centaines de milliards d’euros pour augmenter leurs fonds propres et pour fournir des garanties permettant au système financier de continuer à fonctionner. Après avoir subi des pertes massives, les banques ont réussi cette année un rétablissement spectaculaire et elles ont presque toutes remboursé les aides publiques. Elles ont repris la distribution de bonus (Goldman Sachs a déjà provisionné 21 milliards de dollars cette année à cette seule fin). Les opinions publiques sont choquées et les gouvernements ne peuvent faire autrement que d’intervenir. Le Royaume-Uni a déjà décidé de taxer les bonus. Désormais se pose la question de la régulation avec notamment la question du niveau approprié de fonds propres pour les établissements financiers. Les banques peuvent-elles continuer à engager 40 dollars quant elles ont en capital un dollar ? Cet effet de levier a été mis en cause dans la crise financière qui a éclaté en 2008. Tout l’enjeu aujourd’hui, pour les gouvernements, est de limiter l’impact de la finance sur l’économie “réelle”. Il s’agit de passer à une économie “dé-financiarisée”.

 Le quatrième défi est la mise en oeuvre d’un nouveau modèle de croissance

La “financiarisation” de l’économie n’a pas eu que des effets négatifs. Les banques ont, en moyenne, enregistré une croissance de 2,8% par an au cours des dix dernières années contre 1,5% pour le secteur de l’automobile, selon une estimation de Marie-Pierre Peillon, responsable de l’analyse financière chez Groupama Asset Management. Ce développement des banques et la diffusion de nouvelles technologies de l’information et de la communication ont favorisé les flux d’investissements dans les pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. La croissance des pays du Sud a permis de sortir de la pauvreté des centaines de millions de personnes. Mais le modèle de développement a créé des déséquilibres : la plupart des pays émergents ont misé sur les exportations. Le modèle le plus abouti est la Chine, qui inonde la planète de ses produits fabriqués à bas coût (et bénéficiant d’une monnaie sous-évaluée) et qui engrange des revenus colossaux qui sont utilisés pour acheter des emprunts des Etats occidentaux, en premier lieu des Etats-Unis. Ce modèle ne peut pas durer éternellement et la Chine doit favoriser la consommation intérieure afin que la mondialisation puisse profiter à tout le monde.

Comme on le voit, les défis ne manquent pas et l’année 2010 ne sera pas suffisante pour les régler.