Energie : soutien politique nécessaire

A l’heure où le secteur de l’énergie en général et de la production d’électricité en particulier se retrouvent au coeur de l’actual

A l’heure où le secteur de l’énergie en général et de la production d’électricité en particulier se retrouvent au coeur de l’actualité en raison, notamment, du sommet de Copenhague sur le changement climatique, il convient de se replacer dans une perspective de long terme : ce secteur, vital pour l’économie, est en première ligne dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il doit réduire ses propres émissions de CO2 – en fermant ou en modernisant des centrales fonctionnant avec des matières fossiles ou du charbon – et investir dans les énergies renouvelables comme l’éolien, l’hydraulique ou le solaire.

De quoi doper les investissements et l’emploi. Mais le secteur, dont les projets ont une durée de vie de plusieurs dizaines d’années, a besoin de visibilité. Sans un cadre réglementaire bien défini et sable sur le long terme, les acteurs concernés sont contraints d’ajuster leur stratégie à la conjoncture économique.

La crise économique a en effet donné un coup de frein aux projets. Selon l’Observatoire Européen des Marchés de l’Energie (OEME) de Capgemini, la baisse de la consommation et des prix a incité les “Utilities” à annuler ou à différer des investissements, ce qui a pénalisé les énergies renouvelables. Ce segment qui croissait de 56% en moyenne par an depuis 2003 s’est contenté de 2% en 2008, avec une chute de 14% au deuxième semestre 2008 (par rapport au deuxième semestre 2007) à 21,2 milliards de dollars.

Pour Colette Lewiner, directeur international du secteur Energie, Utilities et Chimie chez Capgemini et coordinateur de cette étude qui fait autorité, “c’est la crise qui explique cette baisse. La consommation a baissé, les prix ont baissé et certains investissements ont été remis en cause”. La question est de savoir si cela va durer. “La crainte est que cette évolution ne soit structurelle : certaines ‘Utilities’ se sont endettés pour des acquisitions et elles sont confrontés à des prix en baisse. L’inquiétude aujourd’hui porte sur une pause plus ou moins longue dans les investissements”, explique la spécialiste du secteur à Globalix.

De quoi susciter quelques inquiétudes pour les énergies renouvelables, sachant que l’Union européenne avait demandé que ces énergies représentent 20% du total de la zone en 2020. Pour Colette Lewiner, elles bénéficieront à terme des plans de relance élaborés après le déclenchement de la crise pour soutenir l’activité.

“Mais, indique-t-elle, la production à base d’énergies renouvelables subit actuellement une dégradation de sa rentabilité par rapport aux centrales au gaz par exemple. Et les investissements dans ce type de production sont encore petits par rapport à l’ensemble des investissements dans les centrales électriques. Quand on regarde les centrales en construction ou planifiées, on constate que la plus grande proportion concerne des centrales à gaz et au charbon. C’est assez contradictoire avec les objectifs de réduction des émissions de C02.”

On peut aussi se demander si globalement les prévisions d’investissements avancées avant la crise sont toujours valables : on évoquait ainsi la nécessité d’investir 1.000 milliards d’euros dans les infrastructures électriques et gazières en Europe d’ici 2030. Cette projection tenait compte de l’évolution de la consommation. Depuis, la crise économique s’est installée, provoquant un recul de l’activité jamais constaté depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et incitant les dirigeants politiques et économiques à étudier de nouveaux modèles de croissance.

Pour Colette Lewiner, “ce chiffre reste valable d’ici 2030. L¹AIE (Agence Internationale de l’Energie) avait estimé pour sa part les investissements mondiaux dans l’énergie à 22.000 milliards de dollars . Elle vient de relever son estimation à 26.000 milliards de dollars. Cela concerne toutes les formes d’énergie (y compris le pétrole et l’exploitation amont des champs gaziers) et cela montre que les investissements sont nécessaires.”

Pour autant, elle juge qu’il existe des freins, comme la faiblesse du prix du certificat de CO2 et sa trop grande volatilité. “On ne peut pas investir à moyen terme, c’est-à-dire à horizon de 20 à 25 ans, sans avoir de vision de long terme sur les certificats de CO2. Certains sénateurs américains demandent un amendement au projet de loi Waxman-Markey pour introduire un prix plancher. Ce serait un premier pas.”

Cela nous conduit à évoquer le rôle des dirigeants politiques. Les plans de relance font la part belle à l’énergie électrique. Aux Etats-Unis, il est question de moderniser des infrastructures vétustes jugées dignes d’un pays du tiers monde par un secrétaire à l’Energie il y a quelques années. Washington a enfin compris que l’électricité était un élément important de la compétitivité des entreprises.

En Europe, on évoque de plus en plus la nécessité de disposer de capacités de production permettant d’alimenter les véhicules électriques. Ces derniers pourraient représenter 5% des ventes en 2020, selon diverses estimations. A partir de 2020 on pourrait commercialiser plus d’un million de voitures électriques par an. On mesure l’impact que cela pourrait avoir pour les producteurs d’électricité.

La France dispose d’atouts non négligeables, en particulier son parc nucléaire et ses barrages hydro-électriques. Tous les pays européens ne sont pas dans cette situation. Et la Commission européenne a abordé la question jusqu’à présent sous le seul angle de la concurrence. On peut se demander si elle ne parviendrait pas au but recherché – la libéralisation du secteur – en mettant en place un cadre qui favorise les investissements sans dégrader la rentabilité des producteurs d’électricité.