Dette émergente : le Brésil, opportunités et risques actuels (et passés)

par Gorky Urquieta, Co-Responsable de la dette émergente chez Neuberger Berman

La situation morose et les diverses erreurs se reflètent sans doute déjà dans les prix du marché.

Le Brésil était récemment au cœur de l’actualité. Un mélange toxique de dysfonctionnement politique, de stress budgétaire et de COVID-19 a déclenché une dépréciation de sa monnaie et exercé une pression sur les taux au niveau local.

Le real brésilien a été la deuxième monnaie la moins performante en 2020, chutant de plus de 22 % par rapport au dollar américain. Jusqu’à présent en 2021, il s’est déprécié de près de 6 %, talonnant même la livre turque. En monnaie locale, la courbe des bons du Trésor brésilien s’est élargie de plus de 250 points de base. Toutefois, en monnaie forte, les conséquences n’ont pas été si douloureuses. Les spreads souverains n’ont augmenté que d’environ 25 points de base cette année, tandis que les spreads non souverains sont restés stables en majorité.

Contrairement à de nombreux pays, le Brésil a déployé des mesures de relance budgétaire massives l’année dernière pour amortir l’impact du COVID-19. Mais contrairement à ses pairs plus robustes, le Brésil était déjà sous pression pour consolider ses comptes budgétaires. Les querelles politiques et un président parfois inconstant n’ont fait qu’aggraver le problème. La facture est aujourd’hui arrivée, notamment via la pression sur les devises et les taux.

Plus récemment, un juge de la Cour suprême a annulé les condamnations de l’ancien président Lula pour corruption et blanchiment d’argent, ouvrant ainsi la voie à la candidature du militant de gauche toujours populaire contre l’actuel président Bolsonaro lors des élections législatives de l’année prochaine. Un commentateur local l’a exprimé avec éloquence : « Au Brésil, même le passé peut être incertain ».

Mais, il y a aussi de bonnes nouvelles. Le cadre institutionnel du pays a été testé avec succès. Malgré un système politique fragmenté, le gouvernement a adopté un deuxième plan d’urgence COVID ciblé sans enfreindre sa règle budgétaire. L’indépendance de la Banque centrale a été ratifiée par le Congrès. Et le Brésil a continué à mener des politiques macroéconomiques orthodoxes, sous la direction d’un ministre de l’Économie compétent et favorable aux réformes.

Nous pourrions encore assister à une réaction un peu excessive. Les marchés se sont souvent inquiétés d’un important ratio dette publique/PIB qui est passé d’environ 70 % en 2019 à 90 %, en oubliant que, net des créances interrégionales, le ratio baisse d’environ 20 %. De plus, la reprise économique en 2021 et la préservation du plafond budgétaire laissent présager un retour progressif, bien que tardif, aux niveaux pré-pandémiques. Sur le plan extérieur, le bilan du pays reste solide, avec des réserves importantes et une faible dette publique extérieure. La combinaison d’une monnaie faible et d’exportations croissantes suggère que le contexte extérieur restera solide, voire s’améliorera. Des risques subsistent, qu’ils soient « Made in Brasil » ou importés, mais les opportunités ne manqueront pas, les mauvaises nouvelles étant déjà prises en compte.