Les temps sont durs pour les marchés émergents

par Maarten-Jan Bakkum, Stratégiste Senior Marchés Emergents chez ING Investment Management

Les marchés émergents viennent de connaître une période difficile. Depuis deux ans et demi, leur performance économique est à la traîne par rapport à celle des marchés développés. La crise de la dette a entraîné des changements significatifs aux États-Unis et en Europe. Aux États-Unis, le système bancaire a été assaini et l’économie semble se redresser.

Grâce au repli des prix énergétiques et à des années de réduction des coûts, l’industrie américaine a de nouveau le vent en poupe. En Europe, beaucoup a changé en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Irlande, où la crise a entraîné une forte baisse des salaires, laquelle a clairement amélioré la compétitivité. Les premiers signes d’une timide reprise apparaissent lentement. Au niveau de la zone euro prise dans son ensemble, les premiers pas en direction d’un renforcement de la coordination de la politique et d’une supervision bancaire commune ont été posés.

Des changements important sont donc intervenus aux États-Unis et en Europe, tandis que le Japon s’est également distingué par un changement de cap radical de sa politique monétaire. Le monde émergent fait un peu pâle figure en comparaison. Bien sûr, la crise de la dette est née dans les marchés développés et l’urgence des réformes était plus grande aux Etats-Unis et en Europe. Pourtant, il est décevant que si peu de réformes aient été opérées dans les marchés émergents ces dernières années.

Ceci est l’une des principales raisons expliquant pourquoi la croissance économique a décliné dans les marchés émergents. La compétitivité s’est dégradée et les déséquilibres ont augmenté au sein de l’économie. Bien que les perspectives de croissance des Etats-Unis, de l’Europe et du Japon ne soient toujours pas fantastiques, la probabilité d’une amélioration a augmenté, alors que dans les marchés émergents, il n’y a guère de potentiel de reprise. Des réformes substantielles du marché du travail, une diminution de l’intervention de l’État dans l’économie, une amélioration du climat d’investissement et une plus grande place pour les investissements en infrastructure au sein des budgets auraient un impact positif sur la croissance potentielle des marchés émergents. À l’exception du Mexique et de l’Inde, peu de pays prennent toutefois des initiatives dans cette direction.

La lassitude vis-à-vis des réformes et le repli de la croissance devraient continuer à peser sur les marchés émergents au cours des prochaines années. Il est fort probable que les États-Unis, l’Europe et le Japon continueront à mieux performer. Ces derniers mois, les flux vers les obligations des marchés émergents ont commencé à se renverser. Les devises ont été sous pression. Si les marchés restent nerveux compte tenu de l’éventualité d’un démantèlement de l’assouplissement quantitatif américain, les marchés émergents seront confrontés à une accélération des sorties de capitaux. Ce risque vient s’ajouter aux éléments structurels négatifs pesant sur la croissance du monde émergent. La sous-performance des actifs des marchés émergents devrait donc se poursuivre.