par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Le discours de Mario Draghi en juillet dernier, insistant sur l’irréversibilité de l’euro, suivi des annonces de la Banque Centrale Européenne sur de potentiels achats de titres souverains (OMT1) ont sensiblement réduit les anticipations d’éclatement de la zone euro et en corollaire ont stoppé le mouvement de dépréciation de l’euro qui avait débuté en septembre 2011.
Depuis l’été dernier, l’euro s’est apprécié vis-à-vis de la plupart des monnaies reflétant la baisse du risque souverain européen. La forte baisse de l’aversion pour le risque a contribué à affaiblir le dollar, toujours considéré par les investisseurs comme refuge. Depuis le début de l’année 2013, la tendance à l’appréciation de l’euro vis-à-vis des grandes devises s’est poursuivie. L’ampleur du rebond de l’euro est variable en fonction des devises, la hausse de l’euro ayant des facteurs communs (liés à la situation européenne) mais également des facteurs spécifiques (liés aux autres pays).
- Déjà mentionnées la baisse du risque souverain et celle de l’aversion pour le risque. D’ailleurs, les positions vendeuses sur l’euro, qui avaient atteint des montants très importants, ont sensiblement reculé. La réussite des adjudications de plusieurs pays périphériques (Irlande, Espagne,…) en ce début d’année a probablement également contribué à renforcer le sentiment positif sur la zone euro.
- Le changement de ton de la BCE lors de son dernier Comité de Politique Monétaire, le discours de M .Draghi se révélant beaucoup plus optimiste qu’attendu. En effet, alors que la porte à une baisse de taux du refi avait été ouverte début décembre, les propos du Président de la BCE ont été plus rassurants. Si la faiblesse de la zone euro est bien mentionnée, la stabilisation récente d’un certain nombre d’indicateurs de confiance, ainsi que l’amélioration de l’environnement financier sont mis en avant par M. Draghi éloignant une éventuelle baisse de taux. Alors que la Réserve Fédérale poursuit ses achats de titres (85Md$ par mois) et étend encore la taille de son bilan, la politique de la BCE peut apparaître nettement moins accommodante.
- Les différentes tentatives de dépréciation de leur taux de change de la part de pays dont les monnaies s’étaient appréciées durant la crise souveraine du fait de leur caractère de valeurs refuges : la Suisse avec les annonces de taxation des dépôts des non résidents par plusieurs banques pour arrêter les flux entrants. Le Japon avec le changement de gouvernement qui a annoncé de nouvelles mesures de politiques monétaires et un objectif de dépréciation du yen.
Depuis juillet 2012, l’euro s’est apprécié d’environ 10% contre le dollar, de 6% contre la livre et de 3% contre le franc suisse. L’appréciation vis-à-vis du yen atteint 25% mais en raison de facteurs spécifiques à la devise japonaise qui s’est également fortement dépréciée vis-à-vis du dollar (13% environ).
Dans quelle mesure ce mouvement est-il durable ?
Si certains facteurs, comme l’éloignement du risque d’éclatement de la zone euro, vont continuer de jouer en faveur de l’euro, un certain nombre d’événements pourraient peser à nouveau sur la monnaie européenne, comme les élections italiennes en février, le retour de la question grecque, les difficultés espagnoles. Au-delà de ces facteurs politiques, les nouvelles conjoncturelles vont très probablement également rappeler aux investisseurs, qui ont commencé l’année 2013 en mode « risk on », que les risques sur l’économie mondiale et en particulier sur l’économie de la zone euro n’ont pas complètement disparu. Les PIB des pays de la zone euro vont continuer de reculer dans la plupart des pays au T4-12, la publication du PIB allemand du T4 en ayant déjà donné un avant goût (-0,5% T/T).
Les fondamentaux macroéconomiques, en particulier l’écart de production potentielle entre les Etats-Unis et la zone euro qui risque de rester durable avec la faiblesse structurelle de l’économie européenne liée au processus de désendettement, vont plutôt dans le sens d’une dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar à moyen terme.
Au total, l’appréciation de l’euro pourrait s’avérer de courte durée sauf vis-à-vis de monnaies menant délibérément des politiques volontaristes de dépréciation de leur devise, en particulier le Japon.
NOTES
- OMT : Outright Monetary Transactions