Etats-Unis : Obama évoque un nouveau stimulus

par Inna Mufteeva et Thomas Julien, économistes chez Natixis

Actuellement en tournée électorale dans le pays, Obama a verbalement évoqué la possibilité d’un nouveau stimulus fiscal. En effet, l’économie américaine traverse une nouvelle période de ralentissement de l’activité et, avec une politique monétaire extrêmement accommodante et dépourvue de véritables marges de manœuvres, la politique budgétaire reste le seul moyen d’action pour soutenir la croissance. L’annonce des détails de ce plan de relance, qui viserait essentiellement le marché du travail est prévue pour septembre.

Toutefois, les informations actuellement disponibles suggèrent que les propositions annoncées comporteront une prolongation de mesures existantes (baisse des cotisations sociales sur les employés et de l’assurance chômage de long-terme) avec quelques nouveautés (création d’une banque d’infrastructure, payroll tax holiday pour les employeurs, certaines baisses d’impôts). Pour maintenir la crédibilité fiscale du pays déjà bien entamée par l’abaissement de la note souveraine par Standards & Poors, un tel plan devra être compensé par un effort fiscal plus important sur le long-terme, comme il a été annoncé. Le passage au congrès sera néanmoins compliqué par la question récurrente de la hausse des recettes fiscales. Un stimulus fiscal de court terme avec un plan crédible de consolidation fiscale de long terme reste l’option la plus souhaitable pour l’économie américaine.

Après avoir trouvé un compromis difficile sur le plafond de la dette publique, l’administration Obama se concentre de nouveau sur l’économie et notamment sur la problématique des créations d’emplois.

Contexte : reprise molle du marché du travail

Dans un contexte de reprise économique léthargique, le rythme des créations d’emplois reste encore limite.

L’économie américaine a créé environ 132K emplois par mois (en rythme annualisé) depuis le début de l’année et seulement 72K emplois par mois en moyenne sur les trois derniers mois, ce qui ne s’avère pas suffisant pour faire diminuer le taux de chômage de manière significatif (il faut approximativement 150K emplois créés par mois pour faire baisser le taux de chômage de 0,1 pt). Ce dernier reste donc au-dessus de 9%. De plus, la durée moyenne du chômage a significativement augmenté au cours de la crise et se trouve actuellement au niveau de 21 semaines contre 7-8 en temps « normal ».

Propositions possibles

Dans ses discours récents Obama a évoqué à plusieurs reprises sa volonté d’introduire un nouveau stimulus fiscal pour soutenir l’économie.

Le Président n’a pas encore détaillé les éventuelles mesures (le projet de loi devrait être présenté au public début septembre) mais les informations disponibles suggèrent que la moitié du projet pourrait être consacré à la prolongation de programmes déjà existants :

1. Prolongation de la baisse du taux de cotisation pour la Sécurité Sociale des salariés (payroll tax) de 6,2% à 4,2%. La Sécurité Sociale (Social Security) est un programme d’assurance pour les personnes âgées, qui est administré par le gouvernement fédéral. Le système de retraite (assurance vieillesse et invalidité) et Medicare (assurance maladie pour les personnes âgées ou handicapées) en sont les points principaux. Ils sont financés par une cotisation de 12,4% (plus 2,9% pour Medicare), prélevée sur la masse salariale, une moitié est versée par l’entreprise et l’autre moitié par le salarié. Cette dernière partie de 6,2% a été diminuée de 2pts. Le programme a été introduit par administration Obama en décembre 2010 et sera probablement prolongé au-delà de la date d’expiration du 31 décembre 2011. 

2. Prolongation des indemnités chômage de longue durée. Cette mesure a déjà été utilisée pour amortir les conséquences de la crise économique et a été prolongée plusieurs fois (dont la dernière en décembre 2010). Ce programme a élargi la durée maximale des allocations chômage de 26 à 99 semaines avec l’introduction des allocations chômage d’urgence (EUC) et de la prise en charge par le financement fédéral du programme régional des extensions des indemnisations (extended benefits) qui est en temps normal à moitié financé par les états. L’ensemble des mesures expirant fin 2011, l’administration Obama juge qu’une prolongation aurait un effet positif sur les ménages et la croissance.

 Selon les estimations, le coût de ces deux propositions pourrait représenter un manque à gagner fiscal de 160Md$.

Les trois autres propositions pourraient inclure :

3. Création d’une banque pour le financement des infrastructures afin de faciliter le financement de projets par le secteur privé (offre de garantie de l’Etat). Cette mesure pourrait coûter à l’Etat Fédéral environ 30Md$.
4. Baisse de taux de cotisation pour la Sécurité Sociale de la part des employeurs. Cette mesure devrait baisser le coût de l’emploi pour les entreprises en créant des incitations à l’embauche. La mesure pourrait valoir 110Md$.
5. Autres baisses d’impôts pour les entreprises et les individus qui pourraient coûter 55Md$. Si toutes les rumeurs sur les propositions se réalisent, le coût du projet s’avérera donc très important (de l’ordre de 350Md$ soit 2,4 pts de PIB 2010).

Conséquences pour le budget

La conséquence directe de ce projet sur le budget serait l’augmentation du déficit public en 2012 de 7,4% du PIB à environ 9,4%. En parallèle, pour assurer une crédibilité fiscale à long terme, Obama a proposé d’augmenter l’effort fiscal sur les 10 prochaines années. La commission bipartite devra le cas échéant trouver un accord pour obtenir des économies supérieures à 1500 Mds de $. Le projet pourrait inclure une réforme du système de la taxation et l’expiration des baisses d’impôts de l’ère Bush pour les hauts revenus.

Dans le contexte actuel de ralentissement économique avec des marges de manœuvre très limitées pour la politique monétaire, les mesures fiscales de court terme sont un moyen plus efficace pour soutenir la croissance. Par ailleurs, la confirmation du rating du AAA par les agences de notation Moody’s (avec la perspective négative) et Fitch (perspective stable) suggère que le problème de consolidation fiscale se pose surtout à moyen et long terme. Cela confère à l’Etat Fédéral la possibilité d’introduire des programmes supplémentaires de soutien à l’économie sans mettre plus en danger le rating souverain qu’il ne l’est à l’heure actuelle.

Conséquence sur l’économie

Pour l’économie, un plan de ce type n’apportera pas vraiment de stimulus supplémentaire mais permettra simplement d’éviter un resserrement fiscal de facto en 2012, lié à l’expiration des mesures de relance votées en décembre 2010. En effet, hormis la prolongation des mesures déjà existantes, les nouvelles mesures ne devraient pas significativement soutenir la croissance : dans un contexte de déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des entreprises, on peut douter que la baisse du taux de cotisation sociale côté entreprise crée une forte incitation à l’embauche. En revanche, la forme des autres baisses d’impôts sur les autres entreprises n’est pas encore connue. Ces dernières pourraient être efficaces si elles incitent directement à la création d’emplois, spécialement dans les petites et moyennes entreprises, mais le montant alloué à cette mesure reste faible (55 Mds de $). Concernant, la partie dédiée aux projets d’infrastructures, l’état abandonne le traditionnel financement direct de projets d’infrastructures (basés sur des critères géographiques et politiques) pour soutenir le financement privé de projets, avec cette fois-ci pour critère d’éligibilité la rentabilité. Ainsi, à la différence du premier stimulus fiscal, l’ARRA, qui au final n’a pas fonctionné à plein (sur 120 Mds de $ de dépenses prévues, à ce jour seul 50 Md$ ont été dépensés), l’efficacité de ce projet, dépendra de sa capacité à attirer les capitaux privés et de la rentabilité des projets financés. De fait, même si les dépenses d’infrastructures sont réputées pour avoir un effet multiplicateur important sur l’économie, l’impact escompté sur l’économie est très incertain.

Le passage au Congrès paraît difficile

Selon les annonces du Président, après l’introduction du projet de loi, le mois de septembre sera consacré à effectuer davantage de pression publique sur le Congrès pour le passage du plan. Etant donné des difficultés considérables rencontrées lors des négociations récentes pour le relèvement du plafond de la dette, le passage d’un projet d’expansion fiscale semble difficile. La perte de la majorité votante à la Chambre des Représentants par le parti Démocrate lors des élections de mi-mandat complique la situation. En effet, le stimulus fiscal de décembre 2010 a été passé pendant la session précédente du Congrès avec un soutien marginal de la part des Républicains.

Conclusion

Tel qu’il est présenté aujourd’hui, un tel programme permettrait d’éviter un resserrement fiscal involontaire début 2012 et pourrait éventuellement soutenir les créations d’emplois dans le secteur privé. Il devra toutefois être accompagné d’un effort fiscal plus important sur le long- terme. Ce qui ne sera pas une mince affaire, étant donné la configuration du Congrès et l’opposition farouche des Républicains sur la question de la hausse des recettes fiscales.

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