France, début d’amélioration sur le marché du travail

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

  • La publication des estimations détaillées d'emploi salarié et de l'Enquête Emploi pour le T4 2010 permet de dresser un premier bilan des évolutions sur le marché du travail en 2010. Tant la reprise de l'emploi que la diminution du taux de chômage y apparaissent fragiles.
  • Compte tenu de l'accélération de l'activité attendue au premier semestre 2011, le marché du travail pourrait bien connaître un réveil plus marqué dans le courant de cette année, qui permettrait une réelle amorce de la baisse du chômage.

 

Des créations d'emplois encore modestes…

D'après les derniers résultats publiés par l'INSEE, l'emploi salarié s'est accru de 37 600 postes au T4 2010 (+0,2% t/t), après +22 200 au T3, dans les secteurs principalement marchands. En revanche, le rebond observé cet été dans les secteurs non marchands ne s'est pas poursuivi en fin d'année (+3 000 postes après +20 400 au T3).

Au final, et après quatre trimestres consécutifs de progression, les effectifs salariés de l'ensemble des secteurs dits concurrentiels ont progressé de 165 000 en 2010, dont près de 125 000 dans les secteurs principalement marchands. Ce redressement n'est pas négligeable, mais il reste tout de même modeste (+0,8% g.a.) et, évidemment, très en deçà de ce qui reste nécessaire pour combler, à terme, les pertes enregistrées en 2008 et 2009 (-507 000 postes dans les secteurs marchands).

Fin 2010, les écarts des niveaux d'emploi et de PIB à leurs points hauts du début 2008 sont redevenus globalement comparables, de respectivement 1,8% et 1,6%.

… qui ont essentiellement permis de reconstituer le volant des emplois intérimaires

Principal signe que la reprise du marché du travail en est encore à ses débuts, le redressement de l'intérim est toujours à l'heure actuelle le premier moteur des créations d'emplois (+97 300 postes en 2010). Il est vrai que le volant des emplois intérimaires avait été très fortement comprimé lors de la récession, avec une chute de 35% des effectifs (-235 000 postes) entre le T1 2008 et le T1 2009.

Depuis, les entreprises se sont attachées à reconstituer cette partie la plus flexible de l'emploi, et les embauches ont progressé à un rythme extrêmement rapide tout au long de l'année (+19,6% g.a. au T4). Fin 2010, la part des emplois intérimaires dans l'emploi salarié des secteurs marchands s'était redressée à 3,7%, un poids inférieur au pic de 2007 (4,1%), mais en ligne avec sa valeur moyenne des dix dernières années.

Dans l'industrie et la construction, secteurs où les taux de recours1 à l'intérim sont structurellement les plus élevés, le retour des intérimaires s'effectue encore parallèlement à la poursuite des destructions de postes de salariés "réguliers" relativement fortes, en particulier dans l'industrie (-1,8% g.a. au T4). Dans ce dernier secteur, l'INSEE a toutefois annoncé que le repli des effectifs (hors intérim) n'avait été que de 0,1% t/t au T4, un chiffre qui devra être confirmé lors des prochaines publications.

Hors intérim, les créations de postes dans le secteur tertiaire se sont maintenues toute l'année sur un rythme un peu supérieur à 0,2% t/t. Dans ces secteurs où les destructions de postes étaient restées modestes en 2009, le niveau de l'emploi est quasiment revenu à son point haut de la mi-2008 (-0,1%).

Fragile repli du taux de chômage

Selon les résultats de l'Enquête Emploi, le taux de chômage s'est établi à 9,2% de la population active en France métropolitaine au T4 2010, en baisse de 0,3 point de pourcentage par rapport à son point haut du T4 2009 (-93000 chômeurs). Ces résultats sont globalement en ligne avec les estimations fournies par Eurostat, qui évalue le taux de chômage sur l'ensemble du territoire français (en incluant les départements d'outre-mer) à 9,6% en janvier 2011.

En revanche, ils sont moins en phase avec l'évolution des données d'inscriptions à Pôle Emploi puisque, selon la Dares, le nombre de demandeurs d'emplois de catégorie A, après avoir très fortement augmenté en 2009, s'inscrirait toujours sur une tendance légèrement haussière (2,1% g.a. mm3 en janvier 2011, soit plus de 55 000 inscrits supplémentaires en un an), plus rapide que celle des créations d'emplois.

Au-delà des différences de périmètres et de méthodologie2, une observation plus large des données issues de l'enquête confirme que 2010 a davantage été une année de stabilisation des tensions sur le marché du travail que de reprise. L'enquête montre en effet que le taux d'emploi (rapport du nombre de personnes ayant un emploi à l'ensemble de la population en âge de travailler) se serait stabilisé l'an dernier, légèrement au dessus de son point bas de la fin 2009.

Plus précisément, cette stabilisation reflète largement le retour, dès le début de 2010, d'une tendance haussière des taux d'emploi (+0,8 pp) et d'activité (+1 pp) des seniors3, laquelle résulte bien plus des différentes politiques mises en oeuvre ces dernières années pour favoriser le maintien dans l'emploi des salariés les plus âgés, que d'une réanimation du marché de l'emploi.

En revanche, après une très forte chute en 2009, le taux d'emploi des 25-49 ans (près de 65% de la population active) reste encore orienté à la baisse. En outre, son repli s'est accompagné d'une baisse du taux d'activité qui a clairement favorisé le repli du chômage.

2011 : vers un retour des gains de productivité, puis une accélération de l'emploi

Malgré un franc redressement des perspectives d'activité au cours des derniers mois, les données d'enquêtes ne donnent pas de signe d'accélération des embauches à très court terme. En particulier, l'indice composite d'emploi calculé à partir des données recueillies auprès des directeurs d'achats (PMI), tout en faisant preuve d'une assez grande volatilité depuis l'automne dernier, se maintient globalement à un niveau compatible avec la poursuite de faibles créations de postes, sans annoncer d'accélération dans un horizon proche. Celles-ci pourraient, dans un premier temps, s'efforcer de renforcer des gains de productivité relativement modestes au cours des derniers mois.

Il nous semble, toutefois, que la forte accélération de l'activité attendue au premier semestre devrait déboucher sur un renforcement des créations d'emplois avant la fin de l'année. Ceci permettra au taux de chômage de s'orienter à la baisse de façon un peu plus significative qu'il ne l'a fait jusqu'à présent. En outre, la mise en œuvre, à compter de juillet prochain, du relèvement des bornes d'âges de départ à la retraite devrait renforcer la tendance haussière des taux d'activité et d'emploi des seniors.

NOTES

  1. Rapport des intérimaires à l'emploi salarié du secteur. Ces derniers atteignaient 7,1% dans l'industrie et 7,8% dans la construction au T3 2010 selon les dernières estimations de la Dares, contre un pic à 8,1% et 9,2% début 2007.
  2. Les demandeurs d'emplois de catégorie A sont les personnes tenues de rechercher un emploi et n'ayant pas travaillé au cours du mois écoulé. Cette catégorie est a priori la plus proche de la définition d'un demandeur d'emploi au sens du bureau international du travail et utilisée pour calculer le taux de chômage, même si elles ne se recoupent pas complètement. Les demandeurs d'emplois de catégories B et C sont ceux ayant une activité professionnelle réduite au cours du mois précédent. Les taux de chômage estimés par l'INSEE sont pour leur part issus de l'exploitation des données de l'Enquête Emploi, collectées chaque semaine auprès d'un échantillon de ménages. La nécéssité pour les bénéficiaires du RSA (entré en vigueur mi 2009) d'être inscrits au Pôle emploi, ce qui n'était pas forcément le cas des anciens bénéficiares des allocations que le RSA remplace (RMI par exemple) est un facteur pouvant expliquer une partie de la différence.
  3. Ceux-ci restent particulièrement faibles en France (autour de 45% de la population active pour la tranche 55-64 ans)

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