2012 : Personne n’a dit que ce serait facile

par Jacco de Winter, Senior Financial Editor chez ING Investment Management

Étant donné que le point au delà duquel l’incertitude commence à devenir néfaste a indéniablement été dépassé, il est de plus probable que les autorités finiront par trouver une solution crédible à la crise de la dette souveraine de la zone euro. Les craintes liées à la dette ont entraîné une détérioration du sentiment et un resserrement des conditions financières, ce qui a pesé sur la croissance économique.

L’économie a besoin d’être stimulée durant le processus de désendettement, mais malheureusement, l’austérité budgétaire semble être la seule préoccupation des responsables politiques de la plupart des économies développées. C’est dès lors à nouveau aux autorités monétaires qu’il incombe de soutenir l’économie et on s’attend à ce que celles-ci assouplissent encore davantage leur politique déjà accommodante.

Pour les investisseurs, ceci est synonyme de poursuite de la volatilité des marchés, ce qui accroît le besoin d’une approche d’investissement dynamique, avec un accent mis sur la diversification. Heureusement, les entreprises sont en bonne santé et sont par conséquent en mesure de faire face à un ralentissement de la croissance. Étant donné que le potentiel de stimulation est plus élevé dans les marchés émergents, en particulier en Chine, la perspective d’un assouplissement de la politique économique pourrait entraîner une surperformance des marchés émergents.

Economie : la croissance mondiale va ralentir

Nous nous attendons à ce que la croissance de l’économie mondiale ralentisse en 2012, pour revenir à un taux de 2,9% après une estimation de 3,5% pour 2011. Pour l’ensemble des économies développées, la croissance sera inférieure au potentiel, mais il y aura d’importantes divergences régionales. La croissance des marchés émergents pris dans leur ensemble décélérera également, mais restera malgré tout solide.

Europe : la spirale négative doit être stoppée

L’Europe enregistrera probablement une croissance négative au quatrième trimestre de 2011. Nous prévoyons également une contraction économique pour le premier semestre de 2012. L’ampleur et la durée de la récession européenne dépendront largement de la façon dont la crise de la zone euro sera résolue. Notre scénario central table sur une légère récession.

La crise souveraine a un impact négatif sur la confiance, mais aussi sur l’offre de crédit, ce qui n’est pas à négliger. Les chiffres de croissance du PIB généralement faibles des États membres de la zone euro pour le troisième trimestre de 2011 mettent en évidence que les craintes liées à la dette souveraine peuvent entraîner une détérioration du sentiment et un resserrement des conditions financières pénalisant la croissance. Ceci entraîne à son tour une dégradation de la solvabilité souveraine en raison notamment de l’austérité budgétaire nécessaire, qui s’avère souvent contre-productive. La combinaison d’une hausse du coût du capital pour le secteur privé et d’un net resserrement des conditions de crédit constitue dès lors l’un des principaux risques actuels.

Un moyen de contrer la contagion de la crise de l’euro est de recapitaliser les banques pour accroître leur résistance face à d’éventuelles réductions de valeur sur leur portefeuille d’obligations d’État. Une façon de réaliser cet objectif est de diminuer encore davantage l’endettement, ce qui augmente le risque déjà imminent d’une contraction du crédit. Ceci, combiné aux conséquences de la détérioration du sentiment, pourrait suffire pour pousser la croissance en territoire largement négatif. Ceci provoquerait à son tour une dégradation de la solvabilité des États, ce qui ne laisserait pas d’autre choix aux gouvernements que de renforcer leur politique d’austérité. Dans un tel contexte, l’austérité aurait inévitablement un effet contraire au but escompté car la croissance et les recettes fiscales diminueraient encore davantage.

La crise souveraine doit être résolue en 2012

Les plans que les autorités ont jusqu’à présent élaborés pour mettre fin à la crise de la zone euro se sont avérés insuffisants, car ils étaient trop flous et ne sont pas parvenus à rassurer les marchés financiers.

Le scénario de solutions provisoires qui a prévalu en 2011 ne devrait plus durer longtemps car les marchés financiers semblent disposés à forcer les décideurs politiques à trouver une solution définitive crédible. Selon nous, cela signifie que les problèmes de liquidité auxquels les États et les banques sont actuellement confrontés doivent d’abord être résolus par la mise sur pied d’un «prêteur en dernier recours». La BCE est l’institution évidente pour une telle tâche, soit directement, soit via un FESF (Fonds européen de stabilité financière) remanié. Les conditions requises pour que la BCE accepte d’assumer ce rôle – et que l’Allemagne donne son feu vert – doivent cependant encore être négociées. Il convient en effet de mettre en place une structure de gouvernance commune à toute la zone afin d’éviter tout aléa moral de la part des gouvernements et du secteur financier. Un renforcement de l’union budgétaire et politique est nécessaire avec, par exemple, la création d’un ministère des Finances de la zone euro. Il faut en outre consentir des efforts pour stimuler la croissance, ainsi qu’un rééquilibrage interne de la zone euro. Compte tenu de la réalité politique d’aujourd’hui, ceci sera probablement un processus long et volatil.

Les États-Unis peuvent éviter une récession

Aux États-Unis, les chiffres d’activité et les indicateurs avancés dressent un tableau plus optimiste qu’en Europe. L’économie américaine devrait éviter une récession parce que les postes de dépenses qui se replient généralement en cas de récession – stocks, salaires, biens d’investissement, biens de consommation durables – se situent toujours à des niveaux d’avant-crise.

Toutefois, les perspectives budgétaires sont susceptibles de peser sur la croissance en 2012. Le “super-comité” n’est pas parvenu à formuler des propositions pour réduire le déficit budgétaire de USD 1.500 milliards au cours des 10 prochaines années. Cela signifie que les économies automatiques de USD 1.200 milliards prévues en cas d’échec peuvent désormais être mises en œuvre. Elles seront introduites progressivement à partir de 2013. Ceci n’est pas positif pour la croissance de 2012, car la probabilité d’une prolongation des réductions d’impôts sur les salaires et des allocations de chômage d’urgence a diminué. Nous prévoyons un alourdissement de la pression fiscale (de 1,5 à 2 points de pourcentage) lorsque ces stimulants auront disparu. Une proposition de loi est nécessaire pour prolonger les réductions d’impôts sur les salaires et les allocations de chômage. Un échec à ce niveau n’est pas improbable compte tenu des dissensions entre les Républicains et les Démocrates à l’approche des élections de novembre 2012.

Par ailleurs, l’échec du super-comité porte atteinte à la confiance dans la capacité du gouvernement américain de résoudre les problèmes budgétaires à long terme. Ceci pourrait conduire à un nouvel abaissement du rating de la dette américaine par une agence de notation – lequel affecterait le sentiment et les conditions financières.

Japon vulnérable en cas de ralentissement mondial

L’économie japonaise continue à se remettre du tremblement de terre et du tsunami du mois de mars, bien que certains signes indiquent que la reprise s’essouffle. Eu égard à ces signes, un scénario de robuste croissance au premier semestre de 2012 semble de plus en plus improbable. Les dépenses publiques de reconstruction soutiendront la croissance, mais les exportations nettes et les dépenses de consommation devraient avoir un impact négatif. L’économie japonaise est toujours tributaire des exportations, ce qui la rend vulnérable en cas de ralentissement de la croissance mondiale et d’appréciation du yen. En ce qui concerne ce dernier point, nous nous attendons à de nouvelles interventions de la Banque du Japon afin d’enrayer l’appréciation de la devise.

Marchés émergents : l’assouplissement chinois devrait faire la différence

Il est clair que les marchés émergents affichent de meilleurs fondamentaux que les marchés développés, comme une croissance économique élevée et durable et un niveau d’endettement relativement faible. Les actions des marchés émergents ont toutefois sous-performé en 2011. Les marchés ont souffert dans un premier temps des craintes inflationnistes et ensuite des inquiétudes relatives à la croissance mondiale et des doutes croissants à propos de la pérennité de la robuste croissance de la Chine.

Pour 2012, les perspectives dépendent largement des développements en Chine au cours des prochains mois. La croissance du commerce mondial devrait continuer à décélérer et l’inflation restera probablement tenace dans l’ensemble du monde émergent. Néanmoins, l’inflation chinoise a finalement commencé à ralentir en octobre, ce qui suggère qu’elle a culminé en juillet à 6,5%. Le repli de l’inflation est essentiellement imputable au ralentissement de la hausse des prix alimentaires, mais l’inflation des prix non alimentaires diminue aussi. La composante des prix payés de l’indice PMI suggère également une décélération de l’inflation.

Le déclin de l’inflation constitue un argument en faveur d’un ajustement de la politique monétaire. Pour la banque centrale chinoise, les risques pesant sur la croissance sont désormais plus élevés que les risques liés à l’inflation. Nous ne nous attendons cependant pas à ce que la Chine abaisse son taux central, à moins que l’économie ne soit plus sévèrement touchée. Un assouplissement risquerait de compromettre les progrès réalisés en matière de résorption des excès résultant de l’assouplissement de 2009-10. Nous pensons que l’ajustement de la politique se fera sous la forme d’un “réglage fin”, c’est-à-dire d’un assouplissement réservé à des secteurs spécifiques, comme l’a déclaré le premier ministre Wen.

Un réglage fin et une diminution des craintes de hard-landing justifient une hausse des cours des actifs risqués compte tenu de l’attente d’une croissance du PIB nominal plus élevée. La matérialisation d’un tel scénario dépendra toutefois du sentiment des investisseurs mondiaux et des développements en Europe.

Le principal risque baissier pour les marchés émergents est lié aux flux de capitaux. Depuis l’été, les flux vers les marchés émergents se sont taris, ce qui a entraîné une nette dépréciation de la plupart des devises du monde émergent. Alors que les risques pour le système financier sont très élevés dans la zone euro, les marchés émergents pourraient être confrontés à des sorties de capitaux, ce qui pèserait sur le potentiel de croissance en 2012.

– Marchés d’actions : volatilité de mise

Les marchés d’actions devraient connaître une année 2012 mouvementée, car les investisseurs seront confrontés à un contexte difficile et volatil. Les marchés d’actions seront ainsi tributaires des sautes d’humeur des investisseurs. Ceci aura un double effet sur les marchés : une hausse de la volatilité ainsi que des corrélations accrues tant au sein des marchés d’actions qu’entre ceux-ci. En d’autres termes, il n’est pas possible de se réfugier en actions en période de renforcement des turbulences. Ceci nous incite à ne pas prendre trop de risques actifs au niveau de notre stratégie.

Les bénéfices vont baisser en Europe et aux Etats-Unis

Notre prévision d’une croissance inférieure au potentiel dans les marchés développés et d’une légère récession en Europe implique que nos estimations de croissance bénéficiaire tant pour l’Europe que pour les Etats-Unis sont négatives. En 2012, les bénéfices européens devraient reculer d’approximativement de 7% tandis que les bénéfices américains se contracteront de 0 à 3%. Compte tenu des données macroéconomiques récentes, le risque est plutôt baissier pour les prévisions bénéficiaires européennes et haussier pour les attentes américaines.

Pour le Japon et les marchés émergents, nous prévoyons toujours une croissance bénéficiaire raisonnable grâce à une croissance économique supérieure. Les entreprises japonaises pourraient encore afficher une croissance bénéficiaire comprise entre 10% et 15%, à condition que le yen ne s’apprécie pas trop. Les sociétés des marchés émergents devraient, pour leur part, être capables d’enregistrer une croissance bénéficiaire de 5% à 10% en 2012.

Le déclin bénéficiaire en Europe et aux États-Unis est imputable à une baisse des chiffres d’affaires. Ceci est une conséquence directe de ralentissement de la croissance mondiale combiné à une contraction des marges bénéficiaires. En comparaison des récessions précédentes, le recul bénéficiaire devrait cependant rester limité. Les entreprises ne sont pas confrontées à des stocks excessifs ou à des capacités excédentaires. Les coûts sont bien maîtrisés, ce qui accroît la résistance des bénéfices face à un repli des chiffres d’affaires. Les sociétés sont globalement en bonne santé. Les bilans sont sains et les marges bénéficiaires ont en général renoué avec leurs niveaux antérieurs à la débâcle de Lehman, en dépit de la reprise économique anémique de ces deux dernières années. Il y aura bien sûr des différences substantielles entre les entreprises. Les sociétés largement dépendantes des ventes européennes et/ou nécessitant de nombreuses matières premières souffriront indéniablement davantage, d’autant plus que la croissance des marchés émergents devrait maintenir les prix des matières premières à des niveaux élevés. Les sociétés diversifiées devraient en revanche se porter mieux.

Les valorisations tiennent déjà compte d’une récession

Un autre aspect réconfortant est que les valorisations actuelles incorporent déjà une grande partie des incertitudes. Les valorisations sont attrayantes dans une perspective historique : le rapport cours/bénéfices des 12 derniers mois (PE) se situe 25 à 30% sous la moyenne à long terme. À ces niveaux, nous pensons que le risque de récession est incorporé. Sans le risque systémique persistant résultant de la crise souveraine, nous serions plus constructifs pour les actions que nous ne le sommes. En comparaison des autres classes d’actifs, les valorisations sont également intéressantes. Dans les marchés développés, le rendement du dividende dépasse le rendement du papier d’État et les primes de risque des actions sont supérieures à la moyenne à long terme. En outre, les actions des marchés émergents affichent une décote par rapport aux marchés développés, alors que leur croissance bénéficiaire devrait être nettement plus élevée.

Facteurs de soutien et facteurs de risque

Les facteurs de soutien sont une amélioration des données macroéconomiques, un revirement de tendance au niveau de l’évolution bénéficiaire négative, un assouplissement en Chine (ce qui est particulièrement important pour les marchés émergents) et, surtout, une solution à la crise de la dette de la zone euro. Le principal facteur de risque est une incapacité à résoudre la crise de la dette qui entraînerait une grave crise bancaire et une récession mondiale. Une flambée des prix des matières premières, une guerre commerciale et une guerre des taux de change constituent d’autres dangers.

Préférences régionales : marchés émergents

Nous préférons les marchés émergents aux marchés développés, en raison surtout de leur meilleure dynamique relative en matière de croissance économique et bénéficiaire et des fondamentaux à long terme supérieurs des marchés émergents. Pour l’instant, notre conviction n’est pas trop forte car la combinaison des corrélations étroites et du bêta élevé des marchés émergents les rend vulnérables face à une augmentation des risques et de l’aversion au risque. Les flux d’investissement sont alors pénalisés par des rapatriements de fonds des investisseurs étrangers, en particulier vers les États-Unis.

La perspective d’un assouplissement de la politique monétaire des marchés émergents, surtout en Chine, pourrait toutefois inaugurer une nouvelle période de surperformance des actions des marchés émergents. Un facteur plus structurel est l’importance croissante des marchés émergents dans l’économie mondiale. Ceci, combiné au poids toujours relativement faible de ces marchés au sein des portefeuilles des investisseurs, pourrait entraîner des flux structurels des marchés d’actions développés vers les marchés d’actions émergents.

Parmi les marchés émergents, nous privilégions l’Asie. La demande domestique y résiste bien et peut compenser en partie le repli de la croissance des exportations. La Chine l’Inde et l’Indonésie se distinguent en particulier. Dans un contexte de ralentissement de la croissance du commerce mondial et flux de capitaux fragiles, la croissance devrait mieux résister dans ces pays. Enfin, nous pensons que les autorités sont en mesure de stimuler l’économie via un assouplissement de la politique monétaire ou des dépenses publiques. À cet égard, la Chine dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour assouplir sa politique maintenant que l’inflation a commencé à se replier. Nous sommes positifs pour les actions chinoises.

Au sein des marchés développés, nous limitons notre exposition aux pays en difficulté de la zone euro et privilégions les États-Unis et le Japon, le premier pour son statut de placement refuge et le second pour ses fondamentaux économiques et bénéficiaires plus favorables.

Positionnement sectoriel défensif

Sur le plan sectoriel, nous privilégions pour l’instant les secteurs défensifs au détriment des secteurs financiers et cycliques. Nous pensons qu’il est toujours trop tôt pour opérer un glissement vers les secteurs cycliques en dépit de leur sous-performance en 2011. Pour un tel glissement, il faudrait que les révisions bénéficiaires relatives aient dépassé leur creux, que les indicateurs de sentiment économique continuent à s’améliorer et qu’une solution soit trouvée à la crise de la dette européenne. Nous prévoyons un contexte plus favorable aux secteurs cycliques (quelque part) au début de 2012.

Les dividendes restent un thème d’investissement majeur

La quête de dividendes élevés et durables restera un thème majeur en 2012. Des facteurs structurels tels que l’évolution démographique soutiennent ce thème à plus long terme. Une population vieillissante est susceptible d’investir davantage en actifs générant des revenus. Dans un contexte de croissance anémique, de faibles rendements obligataires et de volatilité élevée, les dividendes constituent en outre une importante source de revenus. Le rendement du dividende est proche du rendement des obligations d’entreprises, en particulier dans les marchés développés. Par ailleurs, la faiblesse du taux de distribution et la solidité des bilans favorisent une bonne résistance des dividendes (exception faite du secteur financier). Même en cas de léger repli de la croissance bénéficiaire, ce que nous prévoyons pour l’Europe et les États-Unis, nous nous attendons à ce que les dividendes restent stables. Il convient toutefois de se montrer sélectif car les dividendes des banques, du secteur des télécoms et des services aux collectivités sont vulnérables. Étant donné que les bénéfices des entreprises devraient pouvoir augmenter de près de 10% dans les marchés émergents, nous pensons que les dividendes y poursuivront sur leur lancée ascendante. Notre confiance dans la croissance persistante des dividendes des marchés émergents se fonde sur le faible niveau de l’endettement net et les marges élevées.

 – Valeurs immobilières : influencées par les taux

Les valeurs immobilières des marchés développés sont largement influencées par les taux d’intérêt à long terme. Elles ont dès lors mieux performé que l’ensemble du marché des actions pendant une grande partie de 2011, car les rendements obligataires à long terme étaient orientés à la baisse. D’une part, des taux faibles entraînent une baisse du taux de financement et, d’autre part, ils rendent le rendement du dividende des valeurs immobilières plus attrayant que le rendement des obligations d’État. Dans les marchés développés, le rendement du dividende des valeurs immobilières se compare également favorablement au rendement du dividende du marché des actions pris dans son ensemble. Comme nous nous attendons à ce que les taux longs demeurent faibles dans les économies développées, ce facteur devrait continuer à soutenir les valeurs immobilières.

Les valeurs immobilières des marchés émergents ont sous-performé, car elles sont davantage tributaires des taux à court terme. Le cycle de resserrement monétaire qui a prévalu dans une grande partie du monde émergent explique donc cette médiocre performance. Maintenant que l’inflation ralentit, la marge de manœuvre pour assouplir la politique monétaire augmente toutefois, en particulier en Chine. Ceci pourrait constituer le détonateur pour une période de surperformance des valeurs immobilières des marchés émergents.

– Obligations : diversification de mise

Les actifs sans risque ne sont pas dénués de risque

Les marchés obligataires – en particulier le papier d’État de la zone euro – ont connu une année mouvementée. L’incompétence politique a entraîné un élargissement substantiel des primes de risque (spreads) des obligations d’État des pays périphériques de la zone euro dans un premier temps, puis la contagion a touché d’autres pays et même des pays fondamentalement sains affichant un rating AAA comme les Pays-Bas et la Finlande ont vu leur prime de risque augmenter, tandis qu’une émission obligataire allemande a connu peu de succès. Ceci a incité certains investisseurs en obligations à se demander s’il existait encore des obligations sans risque. On peut en conclure qu’en l’espace de quelques années, le paysage a changé radicalement pour les investisseurs en obligations.

Jusqu’il y a quelques années, les obligations d’État de presque tous les pays développés étaient considérées comme sans risque. Aux yeux du marché, les obligations de tous les États membres de la zone euro n’offraient pas de risque de crédit substantiel. Les investisseurs les plus allergiques au risque pouvaient opter pour le papier d’État AAA – actuellement l’Allemagne, les Pays-Bas, la France, l’Autriche et la Finlande. Les marchés ont pour l’instant des doutes croissants quant à la sûreté des obligations françaises et autrichiennes – qui ne sont plus perçues comme des obligations AAA.

Toutefois, les obligations d’État relativement „sûres‟, comme les obligations néerlandaises et allemandes, offrent des rendements très faibles. Étant donné que nous nous attendons à ce que les taux restent faibles pendant longtemps, les investisseurs en obligations souhaitant obtenir des rendements raisonnables doivent s’intéresser à d’autres marchés que les Pays-Bas et l’Allemagne. Ils ne peuvent échapper à une diversification dans d’autres segments obligataires comme les obligations des marchés émergents et les obligations d’entreprises.

De bonnes raisons pour diversifier un portefeuille obligataire

Une diversification ne s’impose pas seulement à des fins de rendement, mais aussi en raison du niveau élevé d’incertitude sur les marchés. Nous pensons toujours qu’en fin de compte, les leaders politiques de la zone euro parviendront à trouver et à mettre en œuvre une solution crédible pour les marchés. Si ceci devait se matérialiser, les taux obligataires néerlandais et allemands pourraient augmenter considérablement à partir de leurs niveaux actuels historiquement faibles. Les investisseurs courent dès lors un important risque de taux sur ces obligations.

Les marchés anticipent cependant de plus en plus le scénario le plus défavorable – un éclatement de la zone euro -, ce qui se reflète par un élargissement des spreads des obligations des pays du noyau dur. Soulignons que ceci n’est pas notre scénario central, mais qu’il ne peut être exclu. Il est à cet égard inquiétant que les marchés puissent créer leur propre réalité. Un éclatement de la zone euro entraînerait une situation chaotique, avec une contagion massive et probablement une sévère récession mondiale. Les obligations d’État néerlandaises et allemandes parviendraient-elles à conserver leur statut de placement refuge dans une telle situation? Leur statut sans risque n’est pas garanti. Nous pensons que les investisseurs feraient mieux d’accepter la situation actuelle et de ne plus rechercher des investissements sans risque, mais bien une diversification optimale de leur portefeuille obligataire. Les avantages de la diversification, combinés aux rendements nettement plus élevés, font de cette option une alternative attrayante.

Préférence pour les obligations des marchés émergents et les obligations à haut rendement

Parmi les obligations risquées, nous sommes surtout positifs pour les obligations des marchés émergents. Les fondamentaux supérieurs des économies émergentes continuent à soutenir leurs marchés obligataires. Tout comme pour les actions des marchés émergents, nous prévoyons des flux structurels vers les fonds d’obligations des marchés émergents car les investisseurs recherchent des rendements attrayants et des moyens de diversifier leurs portefeuilles. Le déclin de l’inflation en Chine et l’opportunité d’assouplissement monétaire que cela crée constituent également des facteurs de soutien pour les obligations des marchés émergents en 2012.

L’appétit du risque fragile des investisseurs exerce des pressions sur les flux de capitaux vers le monde émergent, ce qui signifie que les devises des marchés émergents – et par conséquent les obligations en devises locales – sont vulnérables. Ceci n’enlève rien au fait que les solides fondamentaux (croissance, balance des paiements…) continuent à soutenir la plupart des devises à long terme. Les problèmes des marchés développés mettent aussi en évidence l’importance des marchés émergents au sein des portefeuilles d’investissement mondiaux à plus long terme.

En ce qui concerne les obligations d’entreprises, nous sommes positifs pour les obligations à haut rendement et négatifs pour les obligations investment grade. Les obligations à haut rendement ont une exposition relativement élevée aux États-Unis, où l’économie se remet de son accès de faiblesse du premier semestre de 2011. Les obligations à haut rendement offrent également un rendement attrayant. Une éventuelle récession, que nous prévoyons pour l’Europe mais pas pour les États-Unis, est déjà incorporée dans les valorisations actuelles. Notre vue positive pour les obligations à haut rendement repose en partie sur leurs caractéristiques de risque/rendement. Les obligations investment grade affichent en revanche une exposition relativement élevée au secteur financier européen, pour lequel les risques sont élevés. Notre vue pour ce segment est beaucoup plus positive si on en exclut le secteur financier.

– Devises : l’assouplissement monétaire sera décisif

Les principaux thèmes qui devraient influencer les devises en 2012 sont l’assouplissement monétaire mondial et des moteurs de croissance régionaux.

Actuellement, la politique monétaire constitue le principal mécanisme susceptible de contrer les développements cycliques, car la marge de manœuvre sur le plan budgétaire est désormais plus limitée en raison de la nécessité d’une réduction des déficits budgétaires. En réaction aux développements cycliques et financiers, les banques centrales du monde entier ont déplacé leur priorité de l’inflation vers la croissance et ont procuré le principal soutien à la conjoncture mondiale. Dans certains pays émergents, les banques centrales ont pris des mesures préventives, en abaissant les taux pour stimuler leur économie domestique. Ceci a été rendu possible par la baisse de l’inflation et les premiers signes de l’apparition d’une spirale négative, en raison notamment d’un net repli de la croissance des exportations. L’assouplissement monétaire dans le monde développé a été moins conventionnel car les taux d’intérêt étaient déjà historiquement faibles. Nous nous attendons à ce que l’assouplissement monétaire se poursuive à l’échelle mondiale. Dans le monde émergent, il devrait pendre la forme d’abaissements des taux, alors que dans le monde développé, il devrait devenir encore moins conventionnel, soit via des programmes d’assouplissement quantitatif, soit via des objectifs pour les prix réglementés ou la croissance nominale.

Alors que pour l’instant, nous nous attendons à ce que l’évolution des taux de change des devises des marchés émergents soit essentiellement influencée par l’aversion au risque et le sentiment des investisseurs, à moyen et à long terme, les solides fondamentaux devraient prendre le dessus et constituer un facteur de soutien car la situation macroéconomique des marchés émergents est bien plus favorable que celle de la plupart des économies développées. Cet attrait relatif devrait soutenir les devises émergentes en dépit du ralentissement actuel et la tendance à l’assouplissement monétaire. En ce qui concerne les marchés développés, une poursuite de l’expansion des bilans des banques centrales devrait peser sur leurs devises. L‟EUR, le USD et la GBP devraient ainsi se déprécier.

Enfin, nous pensons que les devises liées à des moteurs de croissance régionaux surperformeront. Eu égard à nos prévisions macroéconomiques mondiales et régionales, nous préférons les devises liées aux matières premières au sein des économies développées car nous nous attendons à ce que la croissance du monde émergent reste forte, en particulier en Chine, où nous n’anticipons pas de hard landing. Au niveau des marchés émergents, nous préférons l’Amérique latine et l’Asie à l’Europe émergente, car l’impact de la crise souveraine sur la croissance de la zone euro affectera les pays voisins.

 – Matières premières : les facteurs structurels restent intacts

Le scénario central pour les matières premières reste constructif car la production industrielle mondiale – quoique toujours en léger repli – s’améliore puisque le Japon se redresse, que les taux à long terme du monde développé restent faibles et que le cycle de resserrement chinois a pris fin.

De façon plus générale, des glissements structurels soutiennent largement les matières premières. Tout d’abord, les marchés émergents et la Chine en particulier deviennent de plus en plus prépondérants pour l’équilibre fondamental du marché. La Chine surtout pourrait compenser un ralentissement économique des marchés développés. Ceci continuera à soutenir les matières premières même si la croissance économique chinoise décélère encore – sauf en cas de hard landing. Deuxièmement, l’offre de matières premières demeure limitée en raison de plusieurs années de sous-investissement, des risques géopolitiques, de l’épuisement des réserves, des perturbations climatiques, des restrictions réglementaires, des conflits sociaux ou de l’appréciation de la devise dans les pays producteurs. Le coût de production marginal des matières premières a dès lors augmenté, ce qui a relevé le plancher des prix à moyen terme. Aussi longtemps que la croissance de la demande de matières premières reste positive et que les niveaux augmentent alors que l’offre demeure limitée, les matières premières bénéficieront d’un soutien fondamental.

Les métaux précieux sont toujours attrayants

Nous sommes positifs pour les métaux précieux. Dans un contexte de turbulences sur les marchés, ils bénéficient d’un statut de placement refuge. L’or et l’argent ont toutefois été confrontés à d’importantes liquidations de positions spéculatives à la fin septembre. Eu égard à l’escalade de la crise de la zone euro, les investisseurs se sont mis à privilégier la liquidité. Les dénouements de positions ont pesé sur les prix de l’or et de l’argent car la part de la demande à des fins d’investissement dans la demande totale est élevée pour les métaux précieux. Étant donné que les positions spéculatives ont été largement liquidées et que les prix se sont ajustés, les métaux précieux ont retrouvé leur attrait. La possibilité de nouvelles liquidations de positions constitue un risque en cas de nette intensification des tensions sur les marchés et de fuite vers la liquidité. Après les récentes ventes et la correction des cours, nous pensons toutefois que ces derniers pourraient renouer avec leurs précédents sommets. D’autres facteurs toujours en faveur de l’or sont les achats nets persistants des banques centrales (en particulier dans les marchés émergents) afin de diversifier leurs réserves et la forte demande de lingots, de pièces d’or et de joaillerie en Chine et en Inde notamment.

Les risques géopolitiques soutiennent les prix pétroliers

À court terme, les risques géopolitiques soutiennent les prix pétroliers. Les craintes accrues relatives à l’Iran et à ses plans nucléaires jouent un rôle important.

D’un point de vue macroéconomique, le ralentissement de la croissance économique mondiale, la faible confiance des consommateurs dans les économies développées et la tendance baissière de la demande pétrolière de la Chine suggèrent un déclin de la demande de pétrole et, par conséquent, un repli des prix. Étant donné que l’on s’attend à ce que la contribution de la Chine à la croissance de la demande s’élève à près de 50% en 2012, la Chine sera déterminante pour la demande et les prix du pétrole. La fin du resserrement monétaire en Chine pourrait tempérer le recul de la croissance de la demande.

Bien qu’il soit difficile de prévoir les développements politiques au Moyen-Orient, nous tablons sur un prix du brent entre USD 90 et 110 et un prix du WTI entre USD 80 et 100 en 2012.