Action collective exigée

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

La crise de la dette souveraine, cantonnée il y a encore quelques semaines aux seuls pays périphériques de la zone euro, se propage désormais au noyau dur de l’UEM.

Les écarts de rendements avec le Bund ont au mieux triplé, dans le cas des Pays-Bas, et au pire plus que quadruplé, en ce qui concerne la France, dont le AAA vient pourtant d’être confirmé par Fitch. En outre, même l’Allemagne n’est plus à l’abri de la vague de défiance qui saisit les marchés. La dernière émission du Bund 10 ans de l'année n'a pas trouvé complètement preneur. Berlin n'a réussi à placer que EUR 3,6 milliards contre une offre de départ de EUR 6 milliards. L'annonce de ce piètre résultat a immédiatement fait reculer l'euro sous la barre des 1,34 contre dollar.

Les marchés financiers sanctionnent la lenteur avec laquelle les Etats membres mettent en place les décisions prises depuis plusieurs semaines (augmentation de la puissance de feu du FESF en octobre dernier), alors que l’avenir de la monnaie unique est plus que jamais lié au renforcement de la gouvernance européenne.

Les propositions faites en milieu de semaine par la Commission européenne vont toutefois dans le bon sens. Celle-ci a proposé que soit renforcé son contrôle sur les finances publiques des Etats membres, assorti de mesures plus strictes dans le cas de pays en déficit excessif. Selon le dispositif proposé, la Commission pourrait évaluer non seulement la première mouture des budgets nationaux, soumis en avril, mais également les projets de lois finalisés au cours de la seconde moitié de l'année.

En contrepartie de ces nouveaux pouvoirs, la Commission européenne a proposé la création d'euro-obligations. Elle distingue trois sortes d’eurobonds, impliquant chacune un degré d’intégration européenne variable, du plus étroit au plus lâche. Il est à noter que les deux premières options présentées (d’une part, une émission commune, garantie par l'ensemble des membres de la zone euro et, d’autre part, une émission qui resterait commune mais dont la garantie conjointe ne serait que partielle) nécessiteraient que certains Etats membres, dont l’Allemagne, révisent leur arsenal législatif. Si le principe en était accepté (ce qui est loin d’être le cas, tant l’Allemagne reste opposée, à ce jour, à tout ce qui peut s’apparenter, de près ou de loin, à une mutualisation des dettes souveraines), un changement rapide des traités à dix-sept pourrait être envisagé dès le prochain sommet européen des chefs d’Etat, qui se tiendra à Bruxelles, le 9 décembre prochain. Toutefois, les modifications législatives nationales pourraient prendre, quant à elles, entre douze et dix-huit mois.

En attendant, toutes les options du renforcement de la force de frappe du Fonds européen de Stabilité financière ne seront finalisées qu’en début d’année prochaine.

La solution défendue par la France consistait à donner au FESF accès aux liquidités de la BCE, ce à quoi les Allemands ont dit clairement non. Reste la possibilité de pratiquer un « quantitative easing » à plus grande échelle (le programme pour les marchés de titres de la BCE est loin d’égaler les montant achetés par la Banque d’Angleterre ou la Fed). Sur ce point, pas de déclaration des chefs d’Etats ou de gouvernement mais l’engagement de ces derniers de «respecter l’indépendance de l’Institution et de s’abstenir de demandes positives ou négatives ».

Le FMI, par ailleurs, fourbit ses armes. A l’occasion du dernier G-20, les Etats membres s’étaient mis d’accord pour travailler sur les modalités de collaboration du FMI avec le Fonds européen de Stabilité financière. En outre, ils avaient entériné la création d'une ligne de crédit du FMI, permettant aux Etats-membres de faire face à des difficultés passagères et exogènes en matière de liquidité. Le FMI a donc présenté, cette semaine, sa nouvelle ligne de précaution et de liquidité. Celle-ci pourra tout aussi bien concerner les pays dotés d’économie solide que les autres. Le financement portera sur une durée de six mois et pourra atteindre 500% du quota du pays concerné. La ligne de crédit sera assortie d’un nombre limité de conditions.

A titre d’exemple, l’Espagne pourrait recevoir une ligne de crédit d’un montant de plus de EUR 17 milliards et la zone euro, prise dans son ensemble, pourrait obtenir une ligne de près de EUR 240 milliards. La durée de la ligne de crédit pourra être allongée à 12, voire 24 mois, pour les pays présentant des besoins plus importants. Son montant pourra représenter jusqu’à 1000% du quota du pays concerné. Le prêt sera alors assorti de conditions plus strictes et, notamment, assujetties à des évaluations du FMI.

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas